Concert

Les Ardentes 2014

Liège, Parc Astrid, le 10 juillet 2014
par Denis, le 16 juillet 2014

Le rideau est tombé sur la neuvième édition des Ardentes en même temps que sur la vingtième Coupe du Monde de football. Au fond, la manière d’appréhender un festival n’est pas si éloignée de celle dont on peut vivre l’événement sportif majeur de l’année, entre pronostics foireux (“Je crois que la Bosnie va étonner tout le monde” / “Faut surtout pas rater Fanfarlo, ça va être bien”), confirmations d’intuitions dignes de Sherlock Holmes (“L’Allemagne, c’est solide” / “Y aura du monde pour Stromae, à mon avis”), déceptions amères (n’atteindre que les 1/4 de finale / les annulations d’Earl Sweatshirt, Archie Bronson Outfit et Palma Violets) et autres manifestations sentimentales plus ou moins subjectives (“Vincent Kompany est le meilleur défenseur du monde” / “Son Lux et Daughter sont largement au-dessus du reste”). Mais au-delà des similitudes de surface, il faut reconnaître aux Ardentes une singularité qui se construit d’une programmation bigarrée à un espace improbable (ces fameux deux kilomètres de “route des saveurs” qui séparent les scènes) en passant par un public globalement jemenfoutiste. Tentative d’épuisement de quatre jours de boue et d’acouphènes.

1) Décor et ambiance   

Je reviens sur ce que j'ai écrit l'an dernier : en fait, l’épithète “liégeois” suffit assez bien à définir globalement ce qui fait la spécificité des Ardentes. Ceux qui connaissent un peu la principauté comprendront rapidement. Liège, c’est cette ville de province où feu Michel Daerden gagnait le cœur de 60.000 électeurs à coups d’apparitions avinées et en vertu d’une bonhommie pataude plus typique d’un tenancier de buvette que d’un politicard. C’est une foule de demi-personnalités fédérées en une bohème moins chic que cheap qui ne cessent de se croiser en forçant parfois leur désinvolture. Une ville un peu traînante, dont les difficultés socio-économiques paraissent devoir s’éclipser en permanence derrière une bonne humeur de façade qui tient lieu de mot d’ordre. Les Ardentes en sont devenues à la fois une tradition et un symbole : peu importe que le climat rappelle les giboulées du pire des mois de mars (bien fait pour les infâmes Shaka Ponk, soit dit en passant, dont le set a été sanctionné par un déluge du meilleur effet) et peu importe qui figure au programme, l’important, pour la plupart des festivaliers, est de se retrouver entre potes pour boire des bières avec le sourire, en se dandinant sans distinction sur la musique qui émane de la scène principale ou sur l’EDM vomitive diffusée par la House of Bull (version remaniée à peu de frais de l’insupportable Joe Piler Saloon). Signe éloquent de cette attitude : le fait que la prestation de M.I.A. ait été considérée par beaucoup comme l’un des grands moments de cette édition. Un set de 45 minutes dénué de la moindre finesse, mais impeccablement calibré pour un tel festival : on débarque avec des gros sons crasses dignes de Major Lazer, on fait monter tout le monde sur scène, on finit avec un combo “Paper Planes”/“Bad Girl” et on se casse en laissant le public sur les genoux.

Cela dit, avec le retour d’une deuxième scène indoor ―l’“Aquarium”, sacrifié l’an dernier au grand dam de certains ―, on a également pu constater avec plaisir la capacité d’une frange du public à se tourner avec intérêt et respect vers des artistes dont la présence sur l’affiche paraissait moins évidente. Ce fut notamment le cas pour les concerts de Julia Holter et de Timber Timbre, dont les prestations subtiles n’ont pas souffert du “public de festival”. Les excellents membres de Daughter, programmés dans le Hf6, n’ont pas eu cette chance ― j’y reviendrai. 

Enfin, si l’exigüité du microcosme liégeois fait que, d’année en année, on croise toujours les mêmes visages sur le site du festival, la politique des Ardentes est également de mettre à l’honneur les groupes du cru. Cette année, on a encore eu l’occasion d’assister à de bonnes voire très bonnes prestations d’Ulysse (tout jeune trio cumulant les victoires de “concours tremplin” et qui aura également l’occasion de mettre sa pop numérique à l’épreuve du public de Dour), The Feather, Kennedy’s Bridge, Leaf House, MLCD et des Fastlane Candies, qui ont courageusement accepté de combler l’immense vide causé par la défection d’Earl Sweatshirt. Si le petit monde de demi-people liégeois a souvent de quoi irriter ―mention spéciale aux couillons de VIP incapables de dire si c’est IAM ou Placebo qui est en train de jouer et qui se cloîtrent dans leur tente d’ivoire en surplomb de l’Open Air pour contempler la populace qui s’esbaudit dans la boue ―, la scène rock locale n’a certainement pas à rougir de ses représentants. 

2) L’avènement du hip-hop

L’affiche de cette neuvième édition avait d’emblée suscité l’attention, grâce notamment à la présence d’un intéressant contingent d’artistes liés à la sphère hip-hop. Les organisateurs devaient pourtant encaisser un coup dur en apprenant en début de semaine que le très attendu Earl Sweatshirt, programmé le samedi à 13h (il était censé ouvrir pour Eminem à Wembley, le même soir), était contraint d’annuler sa tournée. Les autres représentants du genre ont cependant offert des prestations convaincantes, qui tendent à conforter la réussite d’un tournant dans l’identité du festival que l’édition précédente annonçait déjà. Le jeudi, le rookie Isaiah Rashad a de cette façon excellemment préparé le terrain de Schoolboy Q, dont le flow nerveux surclassait des instrus un peu brouillonnes et auquel, malgré ses qualités, on peut reprocher de contribuer à cet incompréhensible revival du bob, qu’on croyait disparu pour toujours depuis 1998. C’est sans doute à Danny Brown que doit revenir la palme du meilleur concert étiqueté rap : on a craint le pire pendant un moment, en voyant l’intéressé débarquer plusieurs minutes en retard en backstage et en constatant qu’il laissait à son DJ le soin de chauffer l’assistance pendant de longues minutes à coups d'affreux sons dubstep de fête foraine, mais, dès son entrée en scène, le natif de Détroit s’est chargé de mettre les choses au point, égrenant les titres accrocheurs de sa voix nasillarde évoquant un mélange entre celles de Dizzee Rascal et B-Real.

En comparaison, les grosses cylindrées étaient sans doute un cran en-dessous : la performance de Wiz Khalifa, relativement monocorde, a malgré tout suscité l’enthousiasme du public de l’Open Air, mais il n’y avait pas grand-chose de brillant, Rolex mises à part, du côté des émoussés Method Man et Redman, qui n’ont pas trouvé de meilleur moyen de dynamiter leurs titres que de pénibles klaxons de stade.

Enfin, à défaut d’être représentée par des artistes crédibles en matière de rock (Shaka Ponk et Cats on Trees, merci bien), la France a pu compter sur ses rappeurs pour se distinguer. IAM a donné un show parfaitement équilibré : il était presque insultant pour les Marseillais d’être programmés en ouverture de Stromae le samedi, mais la bande d’Akhenaton ne s’est pas formalisée de se faire voler la vedette et a offert un concert fédérateur, passant en revue les titres de L’École du micro d’argent, s’autorisant un détour par “Les raisons de la colère” dont chaque livraison s’apparente à un uppercut dans les molaires de Laurent Gerra, et concluant par un feu d’artifice attendu avec “Je danse le mia” et “Petit frère”. Belles prestations également du jeune Georgio, dont le répertoire bien ficelé (“Homme de l’ombre”, en particulier) mérite d’être tenu à l’œil, et du S-Crew, emmené par un Nekfeu dont la dégaine rappelle de plus en plus celle d’un jeune UMP tête-à-claques. À souligner aussi, l’extrême jeunesse du public tassé aux premiers rangs des concerts de tous ces artistes : difficile de dégager des conclusions de ce qui n’est qu’une intuition, mais c’est à se demander si le rap n’a pas définitivement supplanté le rock en matière d’échappatoire musical pour les adolescents en quête d’insurrection. 

3) Un regain d’énergie indie  

Avec la confirmation de l’ancrage hip-hop, cette édition a également été marquée par le retour d’une belle programmation indie. Alors que l’affiche de l’an dernier s’était révélée plutôt décevante en la matière, n’octroyant qu’une place réduite aux artistes du genre (dEUS, The Maccabees ou le rock garage d’Hanni El Khatib), la réouverture de l’Aquarium a notamment contribué au rayonnement d’une tendance qui intéresse une partie du public certes dominée quantitativement mais non négligeable. Très discrets (aucun photographe de presse autorisé, peu d’échange avec le public), les membres de Timber Timbre y ont livré un concert tout en finesse, rappelant les mélopées amères des Tindersticks et salué par une audience conquise. Les trois nymphettes d’Au Revoir Simone, déjà très en forme lors de leur passage au Botanique en février, ont pour leur part fait chavirer les cœurs des spectateurs masculins, peut-être plus grâce aux déhanchements d’Annie Hart que par la force de leur pop lo-fi. Dans la même salle, Son Lux a livré l’une des prestations les plus brillantes du festival : les poses de Ryan Lott peuvent faire lever les yeux au ciel tant elles semblent déborder d’affèterie, mais, après quelques instants, elles sont oubliées tant ce que le frontman et ses comparses déploient sur scène est captivant et impressionnant de précision. En une petite dizaine de titres, d’“Alternate World” à une version étincelante de “Lost It Trying” en passant par le formidable “Easy”, les New Yorkais séduisent et mettent l’assemblée d’accord sur le fait qu’il s’agissait là d’un des moments à ne pas louper.      

Sur la scène de l’Open Air, on oubliera la prestation pénible de Fanfarlo, dans des conditions il est vrai difficiles (un parterre pour le moins clairsemé, composé de types qui n’avaient rien d’autre à foutre à ce moment-là, mais jouaient à Candy Crush ou ramassaient des gobelets de bière plutôt que de prêter une demi-oreille au groupe baudelairien), mais on retiendra celle des prometteurs Circa Waves, dont la pop devra toutefois s’affranchir du modèle évident qu’est Vampire Weekend, et, surtout, celle des énergiques Sleigh Bells. Jouissant d’un statut de stars aux États-Unis, l’escadron de l’hyper-sympathique Alexis Krauss a largement dépassé le niveau de décibels autorisés en étalant sa pop noise virulente face à un public sans voix. Il faudrait d’ailleurs étudier les effets psychologiques des titres du groupe sur les enfants en bas âge : dès les premières mesures du tube “Crown On The Ground” (rappelez-vous, la B.O. du Bling Ring de Sofia Coppola), deux marmots jusqu’alors paisibles commencent à se dessaper et à se lancer dans un combat de cerfs sous le regard consterné de leurs parents. Fascinant.

Enfin, dans un registre bien plus intimiste, il est difficilement envisageable de passer outre la prestation de Daughter. Les lecteurs familiers de Goûte mes Disques savent à quel point le trio emmené par Elena Tonra est apprécié par certains membres de la rédaction (et par l’auteur de ces lignes en particulier, qui en a déjà parlé ici et ), et ils peuvent imaginer combien le concert du dimanche soir comptait parmi les rendez-vous immanquables de l’affiche. Difficile, toutefois, pour un groupe si délicat, de parvenir à couvrir les bavardages de l’immense Hf6 et d’atteindre la qualité sonore que requièrent des compositions particulièrement minutieuses. C’est dès lors une Elena Tonra un peu défaite qu’on a retrouvée au sortir de scène. On a d’abord pensé qu’il aurait été plus judicieux de la faire jouer sur une scène plus petite, avant de se rappeler que ses dernières performances, à la Somerset House et à l’Open’er Festival de Gdynia, s’étaient déroulées face à un public fourni. On a alors maudit ce public de cons, et on a glissé à la chanteuse qu’elle ne devait pas s’en faire, qu’il y avait plus d’émotion dans son interprétation de “Youth” que dans la totalité des sets des 3/4 des autres artistes.

4) Nappes, boucles et musique d’auto-tamponneuses

En contraste avec la réussite globale des scènes rap et indie, on se permettra ici de relativiser la qualité de la plupart des performances liées de près ou de loin au milieu électronique. On sortira du lot les Berlinois de Booka Shade, dont le live sans aucune surprise a produit l’effet grisant attendu (même si, à chaque fois qu’on les voit, on ne peut s’empêcher de penser à Safri Duo), de la même manière que la prestation de Caribou, sans davantage sortir des sentiers battus, s’est révélée plus efficace que celle de Panda Bear (trop autocentrée) et intrinsèquement plus enthousiasmante qu’on ne pouvait le craindre. Les Canadiens ont idéalement lancé la soirée du samedi, même si on en profitera pour pester contre les tweets et les mini-films des aventures des festivaliers au stand Coca-Cola diffusés sur les écrans géants pendant leur performance ; l'idéal pour compliquer la tâche du spectateur désireux d’entrer dans le set.

Les amateurs du genre auront apprécié le concert très agressif des Londoniens post-indus de Factory Floor, rehaussé par un jeu de lumière décuplant l’effet oppressant de compositions d’une violente froideur mécanique. En revanche, le set de Giorgio Moroder n'a provoqué qu'un sentiment de gêne : sorti de l’hospice ou de son sarcophage pour l’occasion, escorté par une infirmière, le malheureux s’est empêtré dans une performance sans queue ni tête, incapable d’assurer la transition entre des mp3 qu’il lui est arrivé de devoir relancer et forçant un public honteux à regarder ses pieds ou à quitter discrètement le Hf6. Triste. Et on se dit que le titre de Daft Punk est le cadeau le plus empoisonné qui pouvait être fait à ce vieillard qui n'aurait jamais dû quitter sa retraite.

Au rayon des escroqueries, on ne peut manquer non plus de mettre en évidence le set dégueulasse de Vitalic VTLZR, pourtant considéré comme l’une des grandes réussites du vendredi par un public qui plébiscitait également Placebo et dont on peut donc légitimement penser qu’il était en grande partie sous LSD. Sur le blog officiel du festival, la prestation du DJ français est résumée comme suit : “Le dieu du son mixe subtilement sonorités rock, électro, techno, house et disco dans une gradation intemporelle. Chaque son se reconnecte au suivant dans une harmonie inattendue qui engendre automatiquement un sentiment de satiété. Un jeu de lumière hors du commun, structuré et stupéfiant qui laisse présager un gars aux idées claires. Avec Vitalic, le son se magnifie et la lumière prend vie !” Je suis désolé, mais ça ne veut rien dire. Le fait d’employer des hyperboles permet peut-être d’éviter de décrire ce qui s’est passé sur l’Open Air dès que Pascal Arbez est monté sur scène. Cela escamote la bouillie sonore qui a été servie à ce moment-là. Mettons-nous d’accord : Vitalic a livré avec OK Cowboy un excellent disque, le genre de plaquette sur laquelle rien ou presque n’est à jeter, où chaque morceau se présente comme un tube en puissance sans sombrer dans la démagogie ou la facilité. Mais là. Grands dieux. Le petit prodige français s’est mué en compositeur de musique pour auto-tamponneuses, massacrant chacun de ses titres en le rehaussant de sons dégueulasses rappelant tantôt les heures les plus sombre de l’époque Thunderdome, tantôt ces moments d’errance où Deadmau5 parodie Martin Garrix, sur des visuels rappelant les délires inquiétants de Dumbo quand il est bourré. Aucune finesse dans cette prestation, qui a naturellement ravi les supporters du Standard de Liège présents dans la boue, tout heureux de pouvoir gueuler “wooohooooo” dès que possible, comme lors des matchs de leur équipe. Au moins, l’an dernier, Steve Aoki avait un bateau gonflable. De façon regrettable, Nathan Fake, pourtant si enclin à développer des ambiances contemplatives et hypnotiques, a opté pour une stratégie similaire, transformant notamment son magnifique “The Sky Was Pink” en petite crasse bondissante.  

5) Placebo : vainqueurs du “blaireau d’or” award  

Si The Horrors ont démontré qu’ils portaient remarquablement leur nom en juxtaposant des gargarismes incohérents saupoudrés de mauvais garage glam (le cocktail, déjà…), c’est à Placebo que revient la palme annuelle de la médiocrité et, croyez-le, c’est un ancien fan des premières heures, empli de nostalgie, qui assène ce constat. Il y a quelques années, Brian Molko dédicaçait volontiers la b-side “Little Mo” à Elvis Presley lors de ses concerts, rappelant en s’amusant du fait que le King, obèse et constipé, avait succombé à une crise cardiaque sur ses toilettes. Le frontman de Placebo pourrait difficilement ironiser sur le sujet aujourd’hui. Ayant refusé le noble combat contre la calvitie, Bri arbore fièrement le résultat soyeux d’implants hors de prix, mais a oublié de soigner le reste : bouffi et la peau ravagée par des cratères impossibles à dissimuler (pas faute de s’être maquillé comme une voiture volée), il se donne à voir comme un mix entre l’horrible marionnette de Saw, le professeur Severus Rogue et le voleur d’enfants de Chitty Chitty Bang Bang. Il faut noter le choix judicieux des programmateurs de ne pas avoir placé Molko et ses potes le même jour que Stromae afin d’éviter un traumatisme aux milliers d’enfants qui constituent la fanbase du nouveau héros national. Plus embêtant, le leader, qui servait régulièrement des one-man shows décalés au début de sa carrière et a longtemps eu le mérite de maintenir un dialogue (même formaté) avec le public après la période Black Market Music, s’est désormais enfermé dans le mutisme. Aucun sourire – ni pour l’assistance ni pour ses comparses –, l’un ou l’autre bougonnement inaudible et un ennui qui exsude par chacun des pores de l’ancien protégé de David Bowie. Enfin, le plus important, le concert en lui-même est d’un vide attristant : les quelques anciens morceaux (“Allergic” et “Every You Every Me”) sont expédiés sans âme dans des versions mises à jour débordantes d’artificialité, tandis que les titres plus récents (ceux de l’encourageant Meds et du très plat Loud Like Love) tombent à l’eau comme autant de poids morts. Un effort particulier est fourni pour l’interprétation de “Too Many Friends”, rare pépite du dernier opus, mais c’est un moment d’exception au cœur d’une prestation manquant cruellement de densité. La sociologie de Pierre Bourdieu a mis en lumière des lois de vieillissement à l’œuvre au cœur des champs artistiques : avec le temps, un artiste prend le risque soit d’être déclassé (d’être oublié), soit de devenir classique (c’est-à-dire de s’institutionnaliser, de devenir une référence, mais aussi, dans le même temps, de lisser tout ce qui est susceptible de déranger et de faire partie de la norme). En réalité, les deux voies ne sont pas tout à fait antagonistes et il est possible de les croiser : Placebo est en train de le démontrer en se donnant à voir comme un groupe surexposé tout en étant has been. Il serait triste, pour des musiciens qui ont livré avec leur album éponyme et Without You I’m Nothing deux des plus grands disques des années 1990, d’en arriver à être programmés un jour à Ronquières ou au Bel’zik Festival après avoir fait trembler Wembley. Mais la probabilité que ça arrive augmente inexorablement.  

On retiendra aussi de cette édition des Ardentes l’engouement toujours si difficile à expliquer pour un Stromae qui a rendu sold-out à lui seul la journée du samedi. On comprend du reste que l’ami Paul soit escorté par six gardes du corps en backstages quand on voit avec quelle rage les parents de ses fans sont prêts à défendre les vingt centimètres carrés de boue dont ils revendiquent la propriété pour permettre à leur progéniture d’un mètre dix d’apercevoir leur héros à 200m de la scène.

Enfin, avant le concert de clôture de Massive Attack, salué unanimement et porté par des visuels captivants (avec notamment la projection de titres des journaux belges de la semaine, qui m’ont permis d’apprendre la séparation de Jelle Van Damme et d’Elke Clijsters pendant “Safe From Harm”), l’un des grands moments d’émotion du festival s’est déroulé dans un Aquarium qui n’avait jamais été aussi rempli et où était projetée la finale de la Coupe du Monde. Le but de Götze a fait bondir des centaines de Belges subitement devenus Allemands et qui avaient passé 112 minutes à huer l’écran en faisant des doigts d’honneur à chaque apparition de Lucas Biglia. On a écoulé nos tickets boissons, on a remercié les organisateurs, et on s’est dit qu’on les reverrait sans doute aux heures InD, en octobre. Il y aura notamment Fuzati et Orgasmic, BRNS et Angel Olsen. Et, on vous le promet, ceux qui discutaient pendant Daughter resteront chez eux ou seront au Standard.