Never Let Me Go

Placebo

So Recordings – 2022
par Nico P, le 24 avril 2022
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Il est une question qu’on ne se pose jamais, ou si rarement, dans la carrière d’un artiste. Celle de la retraite. De ce moment où, fort logiquement, alors qu’on est en droit de se reposer, de faire autre chose, de disparaître des regards et des esprits, pour savourer une vie sans labeur faite de plaisirs simples, on décide d’arrêter. Purement, et simplement.

Quand un artiste, quel que soit son domaine, décide simplement, à 65 ans, ou un peu moins, de rentrer chez lui à la fin de sa tournée pour ne plus toucher à son piano que pour faire danser ses petits-enfants, quelque chose nous intrigue. Cela ne nous semble pas normal, logique. On voudrait que nos chanteurs ne s’arrêtent jamais, que nos réalisateurs crèvent sur un plateau, que nos acteurs vieillissent sur grand écran. Ils ne sont pas, face à l’heure de tout stopper, nos égaux. Il faut en effet avouer qu’il y a quelque chose de beau à voir un Iggy Pop, en dépit du bon sens, monter sur scène dénudé, parce qu’il ne sait faire que cela. Il y a du sublime dans un David Bowie qui, jusqu'au bout, aura magnifié son statut. Il y a quelque chose de conquérant chez Bruce Springsteen, qui année après année, sort des disques pour aller les défendre dans les plus grands stades du monde. Il y a quelque chose de risible, mais touchant aussi, à voir les Rolling Stones avancer sans cesse, même après la mort de l’un des leurs.

Dans le cas de Placebo, les choses sont un tantinet plus compliquées. Pas encore totalement groupe de patrimoine, trop actif pour avoir le bénéfice de la setlist en forme de best of justifiant une tournée, toujours sur la route mais ne brassant pas les générations, le duo (le batteur Steve Hewitt a depuis longtemps quitté le navire) en est déjà à son huitième album, sans que qui ce soit ne s’avère réellement capable de citer leurs petits noms depuis 2003 et Sleeping With Ghosts. Pourtant, ils restent des têtes d’affiches prisées des festivals, et leurs singles, des valeurs sûres pour les quelques radios rock encore debout. Placebo semble être un malentendu, et leur nouvel album, Never Let Me Go, n’aide en rien. Difficile de réaliser à l’écoute de ces treize nouveaux titres, que l’espace de deux albums (certains diront trois, les premiers donc), Placebo fut rien de moins que le meilleur groupe rock en activité, dans une période certes un brin creuse pour le genre (grossièrement, la deuxième moitié des années 90). Nerveux, mélodique, malin, beau… Le groupe avait tout. Et donc tout à perdre.

Ce qui est désormais chose faite, sur tous les fronts. À l'image du single “Beautiful James”, cet album n’a strictement rien pour lui : les mélodies sont poussives (“Happy Birthday In The Sky”) quand elles ne sont pas tout simplement poussiéreuses, le groupe masque son manque flagrant de souffle et d’inspiration derrière une production boursouflée (“Hugz”). Rien n’émerge, rien ne passe, rien ne filtre de cet amas inconséquent, duquel nous aurons tout de même l’extrême bonté de sauver “Try Better Next Time” (un titre qui en dit long), qui n’aurait pas fait honte sur Without You I'm Nothing. Hier encore un brin désireux d’avancer (sans même parler de se réinventer), ici Placebo fait du surplace, sans envie, sans panache. Un disque pour rien donc. Un disque de papys se reposant sur des lauriers déjà bien fanés.