Minor Love

Adam Green

Rough Trade – 2010
par Jeff, le 18 janvier 2010
6

S'il y a bien une chose que l'on ne peut pas reprocher à Adam Green, c'est d'avoir inlassablement creusé un même sillon depuis le début de sa carrière à la fin des années 90. En effet, de petit prince de l'anti-folk au sein des Moldy Peaches ou sur son premier album solo (Garfield) à crooner désabusé sur ses derniers efforts, le new-yorkais n'a jamais hésité à explorer de nouvelles voies, qu'il s'agisse de la pop, de la country ou des orchestrations foisonnantes en tous genres. Par contre, ce qu'on pourra bel et bien lui reprocher, c'est d'avoir perdu en cours de route un peu de ce talent fou et de cette écriture limpide qui font encore aujourd'hui de Friends of Mine l'un des disques les plus attachants de la décennie passée. Doué comme personne pour torcher avec une apparente simplicité des ritournelles primesautières en diable, Adam Green a eu la mauvaise idée de vouloir s'offrir il y a quelques années une veste reluisante de crooner, malheureusement bien trop grande pour lui.

Mais plus que jamais fidèle à lui-même, Adam Green nous revient en ce début d'année avec Minor Love, un nouvel album qui risque fort de désarçonner le fan de la première heure – qui n'en est de toute façon plus à une énième facétie près. En effet, pour ce sixième effort en solo, notre quasi-trentenaire, toujours signé sur l'excellent label Rough Trade, a décidé de ne pas aller chercher certains ses collaborateurs bien loin et de puiser dans l'impressionnant vivier de talents que constitue sa maison de disques. Sur Minor Love, il s'acoquine donc avec Rodrigo Amarante, rencontré il y a quelques mois sur l'album aussi agréable que dispensable de Little Joy où Amarante nous donnait sa version estivale et « plus-tranquilou-tu-meurs » du folk. Et il faut croire qu'Adam Green a succombé au charme suranné et à la décontraction à toute épreuve des compositions de Little Joy, tant les quatorze comptines dépouillées de son Minor Love semblent tirées des mêmes sessions d'enregistrement que celles de Little Joy. Par contre, pour ce qui est du chant, oubliez la voie chaleureuse d'Amarante rehaussée de coeurs gentillets: les paroles sont dans le plus pur style Adam Green. Sorte de Leonard Cohen du pauvre, le chanteur de la Big Apple continue de nous abreuver d'histoires douce-amères qui dénotent un certain fatalisme dans le chef d'un artiste qu'on avait connu plus jouette et piquant à ses débuts – on se rappelle tous de son ode magnifique à Jessica Simpson sur Friends of Mine.

A l'arrivée, le constat est quelque peu mitigé: si on est rassurés de voir qu'Adam Green a enfin compris qu'il n'avait pas les reins assez solides et les épaules suffisamment larges pour jouer au crooner à longueur d'année, on ne peut s'empêcher de penser qu'il eut été plus intéressant pour tout le monde de le voir remonter un peu dans le temps et revenir à ses premières amours - quitte à laisser quelques mauvaises langues parler d'un constat d'échec dans le chef d'un artiste obligé de ressortir ses sempiternelles recettes anti-folk pour séduire. Cela fait maintenant sept ans que celles et ceux qui sont tombés sous le charme simple de Friends of Mine attendent d'Adam Green qui nous livrent un album digne de ce nom, tandis que ce dernier se plait à jouer et expérimenter à tout va. Mais notre patience a des limites, et aussi plaisant Minor Love puisse être par moments, il serait temps qu'Adam Green nous rappelle pourquoi nous avons succombé au charme de son écriture limpide et faussement enfantine.

Le goût des autres :
5 Nicolas