Haterville

PMPDJ

Usle – 2012
par Aurélien, le 16 novembre 2012
9

Oubliez les reboots cinématographiques qui revoient les œuvres d'origine à la baisse: quand le rap game se prête à ce type d'exercice, c'est tout de suite bien mieux. Ainsi planqués derrière l'anagramme PMPDJ, ce sont les fascinants MiM, Entek et Grems qui opèrent une mise à jour de leur première galette, Pour Ma Paire de Jordan - un mélange entre rap et dubstep un peu trop grassouillet pour supporter le long terme. Et si l'ajout du rafraîchissant Starlion au sein de cette équipe de fous furieux suffisait déjà à corriger le tir, Haterville dépasse nos espérances le temps d'une plaque rouleau-compresseur qui sonne comme une virée à 200 km/h direction Amsterdam. Mais avec la tête confortablement posée sur l'asphalte hurlante de l'A16. Tout un programme.

Se posant en parfaits prophètes d'un grime à la Française, nos quatre huluberlus n'y vont pas avec le dos de la cuiller quand il s'agit de fracasser le double H à grand renfort de vibes UK. Et c'est peu dire que MiM et ses copains ont dû bouffer du Machinedrum et du Milanese pour doper l'habillage d'un album qui se veut comme la plus parfaite antithèse de son aîné. Ainsi, à une absence de détail et une tendance aux wobbles-bass surcompressés de l'original, ce reboot opposera un grand écart entre production minimaliste et coups de sang. Les trois cerveaux cramés laissent alors vagabonder leurs styles respectifs sur une dizaine de titres où ils enchaînent les ph(r)ases folles – « mec j'anime pas de kermesses/et j'prend pas de cocaïne/le game c'est pas l'Everest/c'est Brokeback Mountain » – et superposent flows TGV, prods en trois dimensions façon Hecq et délires fumés tout en allitérations et punchlines. Mue par une électricité contagieuse, la troupe laisse en bouche un goût de complémentarité qui emmène cet ensemble futuriste en marge du rap game, quitte à faire les scientifiques idéaux d'une musique OVNI qui frappe toujours où ça fait mal. Occupant un espace à la hauteur de son incroyable charisme vocal, l'équipe n'en oublie pour autant pas les potes et convie Chamade Beat, Mr. OgzDadoo, Rimcash ou La Tronche histoire qu'ils mettent leur grain de sel et rendent plus incandescent encore cet extraordinaire cadavre exquis. Comme pour rendre l'inévitable implosion crânienne plus sanguinolente et jouissive encore.

Difficile de croire que seule une année sépare Pour Ma Paire de Jordan de Haterville, car à l'arrivée on n'avait probablement pas pris une telle claque dans le rap français depuis l'incontournable Bâtards Sensibles de TTC. Plus métropole de Londres que bourgade de Manchester, ce disque par PMPDJ se remet à jour avec un talent brut et une versatilité insoupçonnée qui va traumatiser pas mal d'oreilles tout en générant de belles addictions. Une fois de plus, la bande à Grems nous gratifie d'une bombinette qui va faire école - on commence à avoir l'habitude. Vivement le live, tiens.