Guilt Trips

Ryan Hemsworth

Last Gang Records – 2013
par Aurélien, le 13 novembre 2013
7

Dans un monde idéal, Ryan Hemsworth serait l'homme de l'année GQ: avec sa bouille de beau gosse et son capacité à marier la crème du rap de gangster à ce que la pop fait de plus émo, le Canadien n'a eu de cesse de nous caresser dans le sens du poil ces derniers temps. Comble du luxe, il s'est même offert une consécration bien méritée en se faisant offrir, à l'instar de son copain Cashmere Cat, l'une des créneaux hebdomadaires de l'hyperactif Diplo sur la BBC. Bref, après les relectures au poil et les sélections touchées par la grâce, il ne manquait qu'un album pour lui permettre de boucler la boucle en grande pompe, même si on craignait qu'un récent EP plutôt niais ne ternisse un peu le tableau. Comme on se trompait.

Car Guilt Trips est probablement l'erreur dont avait le plus envie la musique électronique: celle de l'album qui osera passer d'un extrême à un autre, en s'aventurant dans des terrains plus proches de n'importe quel blockbuster R&B qu'autre chose. L'album réussit même, en évitant soigneusement d'intellectualiser le genre, à la mettre profond à des mecs comme Gold Panda ou Four Tet. Car ici toute la frappe émotionnelle du genre se retrouve intacte, propulsée à plusieurs mètres du sol sans même que son géniteur n'ose sacrifier les honteux petits détails qui font la richesse d'un genre qu'on s'était pourtant jurés d'haïr - sympa par exemple le caméo d'Epic Sax Guy sur "Weird Life". D'ailleurs, le terrain du père Ryan est à ce point accueillant qu'il y laisse ses copains/copines Haleek Maul, Kitty Pryde, Lofty305 ou Tinashe faire mumuse avec leurs jolies voix sur des rafales de 808 et de synthés rosacés, chatouillant au passage les sommets atteints sur ses relectures de Lana Del Rey ou A$AP Rocky. Le résultat? Une plaque pleine à craquer de tubes potentiels pour garçons sensibles, au charme immédiat et qui s'épargne tout problème de narration en s'appréciant dans une continuité bienvenue. Et ce, quitte à en pâtir sur la durée. 

C'est simple, de toute cette moisson d'albums émo sortis en octobre, Guilt Trips est sans doute le plus équilibré dans son délire: moins geek que FRIENDZONE et plus aventureux que Ta-Ku, le beatmaker canadien s'offre un passage réussi par la case album, avec un projet d'une homogénéité remarquable, en forme de véritable ascenseur émotionnel. Là où on émet plus de réserves, c'est sur la durée du disque, qui à l'instar du dernier Nosaj Thing, aurait pu compter un ou deux titres en plus. Car une demie-heure de bonheur, c'est court Ryan. Bien trop court pour mériter plus d'un 7/10 quand dans nos petits coeurs de guimauve tu scores tellement plus haut que cela.

Le goût des autres :