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Nosaj Thing

Innovative Leisure – 2013
par Aurélien, le 31 janvier 2013
9

Pendant que l'on composait avec son silence, c'est vraisemblablement avec les cachetons que composait Nosaj Thing. Luttant contre des problèmes de santé mentale l'ayant éloigné de ses machines, le beatmaker de Los Angeles a, de façon aussi radicale qu'inquiétante, disparu de nos radars après la parution de son premier album, Drift. Alors quand le luron confirme son retour après quatre ans d'absence, on n'est forcément pas surpris que sa nouvelle galette prenne des allures de psychothérapie sous-marine. En fait, grand bien lui fasse même, puisque Home est une livraison si abyssale qu'elle embras(s)e le moindre rayon de lumière de façon spectaculaire. Comme pour colorer cette drôle de thérapie perdue entre onirisme et pessimisme.

A force de se laisser porter par le courant, tout peut vite déraper. En fait, c'est même exactement ce à quoi joue Jason Chung ici: a peine l'entame du disque bouclée, le bonhomme s'emploie à donner une toute autre résonance à ses ambiances glaçantes et synthétiques. Et si l'on exulte toujours autant devant la maestria avec laquelle le beatmaker étouffe ses synthés et met sans dessus-dessous ses rythmiques – la marque de fabrique de Nosaj Thing – c'est surtout l'inattendu plaisir qu'il prend à brouiller les pistes qui nous fascine sur Home. Fidèle aux ambiances de son aîné, cette nouvelle plaque gagne cependant en vie et en liberté, abandonnant les structures rachitiques de Drift. Le résultat n'en est que plus hypnotisant : le panorama qu'offre la plaque, à la croisée des chemins entre glitch-hop et witch house, fascine par la détresse aquatique qu'il offre. Et il résonne même comme un salvateur hurlement poussé dans l'eau, à quelques milliers de mètres de profondeur.

Intense et habité, Home n'évite toutefois pas les petites baisses de régime – ''Try'' avec Toro Y Moi par exemple. Pour autant, ces légers défauts ne suffisent pas à mettre à mal l'hétérogénéité parfaite d'un tracklisting au bon goût de fin du monde. Mieux encore, l'ensemble, tenu et éthéré, demeure fidèle à la recette attachante du bougre, tout en la pimentant intelligemment. Une pertinence que l'auditeur se devra toutefois de payer au prix fort, car si l'enivrante noyade n'est jamais bien loin, on y échappe vite vu la courte durée (trente minutes environ) de ce Home. Un peu court pour provoquer l'asphyxie. Mais est-ce réellement un problème que de privilégier la qualité à la quantité sur une galette d'un tel calibre ?

C'est uniquement adossé aux abysses que l'on voit le mieux filtrer la lumière. Et Jason Chung sait ça mieux que personne : preuve à l'appui, son Home ressemble à un véritable plongeon tête la première dans les pires tourments du bonhomme. Fort d'un attachant désespoir, les mélodies sous Xanax de cette nouvelle plaque enterrent – et de très loin – les arpèges brumeux à la John Carpenter de son aîné. On espère tout de même plus y voir la confirmation du talent de Nosaj Thing que l'expression artistique d'un mental en dents de scie car, oui, Home est un grand et beau disque, l'un des plus réussis de ce début d'année 2013.