Escape From New York

Beast Coast

Beast Coast Media – 2019
par Ruben, le 5 juin 2019
5

Dans son terrible affrontement contre le grand méchant Freezer, Sangoku se voit contraint d’utiliser la fameuse technique du Genkidama qui consiste à demander l’énergie vitale de tous les êtres vivants et à la concentrer en une seule et unique boule d'énergie dévastatrice. À l’image du héros d’Akira Toriyama, depuis deux ans, à New-York, les membres du super-collectif Beast Coast concentrent toute leur énergie sur un projet commun intitulé Escape From New-York, qui unit sous la même bannière les MC de Pro Era (Joey Bada$$, CJ Fly, Kirk Knight…), des Underachievers (Issa Cold et AK the Savior) et des Flatbush Zombies (Erick Arc Elliot, Meechy Darko et Zombie Juice). Avant même d’appuyer sur play, on sait qu’Escape From New-York ravira les fanbases des différents groupes : c’est le projet d’unification qu’ils attendaient depuis 2012, l’année des incroyables 1999 et Better Off Dead, deux projets qui avaient redoré le blason du rap new-yorkais de si belle manière.

Avec une bonne dizaine de MCs prêts à en découdre, forcément ça se bouscule derrière le micro ; conséquence, les couplets sont inévitablement très, voire trop condensés pour que chacun puisse pleinement s’exprimer – rien que sur l’inaugural "It Ain’t Easy, It Ain’t Easy", on en compte 7 en 4 petites minutes. Ajoutez à l'embouteillage des textes moins affutés qu’à l’accoutumée, et cela donne un disque qui manque cruellement de pertinence sur la durée et se tire une balle dans le pied avec des punchlines en carton comme ce « Pussy so good, I might just tattoo her name on my dick » sur ce "Far Away" plombé par un Meechy Darko qui se rêve Don Juan. Que penser aussi des faux accents jamaïcains d’Erick Arc Elliot et d’Issa Gold sur « Snow In The Stadium » ? Ou du single « Coast/Clear » qui se rapproche des pitreries d’un Playboi Carti ou d’un Rich The Kid ?

Sauvé des eaux par ses fulgurances ("Left Hand", "Bones" ou le bouillonnant "Distance"), Escape From New York ne se hissera donc jamais au niveau d’un Evermore: The Art Of Duality, d’un 3001: A Laced Odyssey ou d’un B4.Da.$$. Car àtrop vouloir rajouter de cordes à leurs arcs, les gars de la Beast Coast en oublient la raison originelle de leur alliance : raviver la flamme du rap new-yorkais, et contrer tant que faire se peut l'hégémonie d’Altanta et de Toronto. Mais c’est tout l’inverse qui se produit. Alors qu’ils sont censés représenter Brooklyn, le Queens et Harlem, le supergroupe ne défend que son compte en banque et livre un album dont les racines ne puisent finalement que très peu dans la riche histoire de la Big Apple. Sans surprise, le produit final est aussi inoffensif qu'incohérent. S'échapper de New-York ? Oui, mais pour quoi faire? Fuir à tout prix l’héritage de Rakim, de Biggie, de Nas et du Wu Tang Clan ? C’est la désagréable impression que nous laisse ce projet qui n'assume rien, ne propose pas grand chose et se révèle indigne du talent de ses protagonistes. Le gigantesque Genkidama que devait être Escape From New York rate totalement sa cible pour lamentablement s’écraser au beau milieu de nulle part, loin des livres d'histoire, dans une indifférence quasi totale. Triste épilogue pour des mecs qui voulaient s'échapper, et finissent leur course dans la case prison.