Quaristice

Autechre

Warp – 2008
par Simon, le 6 mars 2008
6

Trois longues années que l’on attendait ce successeur, neuvième d’une monarchie régnant sans partage depuis une quinzaine d’année sur le petit monde de l’hermétisme musical. Et il y avait de quoi être impatient car après la sortie de ce Untitled méritant, on sentait Autechre sur la voie d’un second souffle retrouvé, suite à un Draft 7.30 autrement plus radical. Comme la chenille se transforme en papillon jour après jour, Autechre, lui, opère sa mutation inébranlable disque après disque, sorte de long plan séquence qui voit le duo prendre une position de plus en plus rétractée sur elle-même au fur et à mesure des années. Les vingt titres en présence ne font que confirmer l’étendue de mon propos.

Vingt titres justement, plus de septante minutes d’abstraction qui posent un premier constat alarmant. Exit donc les longues plages comateuses qui permettaient aux Anglais de déployer leurs ailes de manière sereine, qui transfiguraient minute après minute des architectures syncopées pour nous plonger dans ces étendues désertiques faites de bourgeons renaissant sur ses branches. On découvre ici un Autechre minimaliste, tant sur la durée que sur le contenu. Et c’est bien là que le bât blesse un tant soit peu, car on nage ici dans le domaine de l’à peu près le plus total, balancé entre titres en chantiers et saynètes relativement inutiles. Effectivement les titres ne dépassant que rarement le cap des quatre minutes, on éprouve un mal certain à ressentir une quelconque pénétration du son (encore une fois assez abrupt et concassé pour ne pas se laisser apprivoiser avec docilité), pire, une fois la phase d’approche terminée on se sent frustré de ne pas voir une suite à cette série de travaux inachevés. Bref, on pleure la perte de ce « jusqu’au-boutisme » qui faisait du duo une de ces perles rares aux allures élégantes d’audace et de singularité.

Dans cette relative déception, on se met à chercher (la chose est assez rare pour être relevée) notre plaisir afin de satisfaire notre côté aventureux, notre désir d’incompréhension qui ne se verra rassasié qu’à de trop épisodiques reprises. On notera dans ce bordel sonore la présence salvatrice d’une poignée de titres relevant un niveau bien faible : « Perlence » tout d’abord et son introduction electro-baroque qui débouchera vers une marche digitale nonchalante et bancale, les breaks se traînant aux chevet des décharges samplées avec soin, aboutissant finalement sur une fausse normalité de batteries fatiguées ; « Simmm » ensuite qui se présente comme une pièce analogique aux allures soignées, et qui tombera dans la marmite du surnaturel peu de temps après, faisant chanter ses mélodies aux travers de breaks instables et autres cowbells télescopiques, gémissant langoureusement dans un final minimaliste grandiose.

Reste une seule et dernière chose à faire une fois le disque maîtrisé, se rabattre avec dépit sur les quelques titres d’ambient qui prennent, eux, le temps de creuser le sol jusqu’à une profondeur souvent abyssale (« Palalel Suns », « Notwo » ou encore le final tout en sobriété avec « Outh9X »). Au final si Draft 7.30 marque une radicalisation et Untitled un aboutissement du synthétisme d’Autechre, Quaristice tend vers le nihilisme le plus dur, l’exclusion de toute forme d’ouverture, qui condamne ces vingt titres à se ronger eux-mêmes sans jamais aller plus loin. Une évolution de plus pour le groupe, pas sûr pour le coup qu’elle plaise à tout le monde.

Le goût des autres :
8 Julien