Wake Up The Dead #17

par la rédaction, le 13 décembre 2022

Allez hop, dernier numéro en 2022 de Wake Up The Dead, notre dossier consacré aux choses à retenir dans l'actualité des musiques violentes. Pour le dossier final, on vous laisse avec l'un des meilleurs disques punk hardcore de l'année mais aussi cette dose de death technique qu'il manque à votre vie, du mathcore épileptique ou du grundge/sludge ansi qu'un brin de dream doom qui ne fera pas de mal sous le sapin. Merci pour votre attention et à l'année prochaine !

Birds in Row

Gris Klein

Alex

Il est là le putain de magnum opus de Birds In Row. Depuis le temps qu'on suit les pérégrinations punk / post-hardcore / screamo /ce-que-tu-veux du trio mené par Bart Balboa, on sait que les Français ont ce petit truc en plus qui peut faire basculer l'écoute d'un de leurs disques en une expérience transcendantale. Avec des centaines de concerts à leur actif et des albums d'excellente facture, on connait déjà toute l'importance de BIR au sein de la scène hexagonale. Et si jusqu'à présent, leur discographie s'était montrée irréprochable malgré un We Already Lost The World peut-être légèrement en deçà de nos attentes, on sentait néanmoins que le potentiel des Lavallois ne s'était pas encore entièrement dévoilé. Avec Gris Klein, premier album sur Red Creek (Cult of Luna) depuis leur départ de Deathwish, c'est chose faite. Toujours sur le fil du rasoir tant au niveau du rythme que du chant écorché et des textes de son leader, ces 11 titres sont aussi imprévisibles qu'ils ne sont efficaces et viennent placer plus haut le curseur sur l'échelle de l'intensité émotionnelle. Ici, l'approche artistique est légèrement différente que sur les précédents travaux : moins frontale, moins chaotique sans doute mais très certainement plus ambitieuse au niveau de l'écriture. L'incommensurable expérience des Français se révèle encore plus marquante sur des titres comme "Noah", "Trompe L'oeil" ou l'impressionnant "Rodin" dont les revirements nous tiennent constamment en haleine. Sincérité, subtilité, intensité sont autant de qualificatifs que l'on a très souvent associé au son de Birds In Row et qui plus que jamais, sont autant pertinents pour dépeindre Gris Klein. Un grand disque par un grand groupe, tout simplement.

Artificial Brain

Artificial Brain

Erwann

Malgré la saturation guettant la scène - pourtant niche - du death metal technique d'inspiration science-fictionesque, Artificial Brain se tire la part du lion. Leur dernière sortie, éponyme, marque l'ultime volet d'une trilogie qui a débuté avec Labyrinth Constellation en 2014 et s'est poursuivie avec Infrared Horizon en 2017. Sur ces sorties, le hurleur en chef Will Smith - ça ne s'invente pas - a créé toute une mythologie explorant les thèmes de l'isolement, de la folie et de la force imparable de la nature face aux avancées technologiques - il n'y a qu'à voir l'artwork pour se rendre compte de ce dernier point. Du côté de la palette sonore, on retrouve une palanquée de riffs brutaux tendant vers la dissonance, avec des riffs clairs enterrés sous l'assaut, ne prenant le dessus que lorsque ledit assaut se calme légèrement. Si le mixage peut sembler un poil insondable au début, les nuances montrent leur richesse après quelques écoutes : la production est suffisamment colorée pour que le travail de la guitare brille au lieu de se fondre dans une masse indiscernable. Ce travail de production est le fait de Colin Marston - bassiste du dernier Gorguts, papa de Krallice, et producteur-phare d'à peu près tout ce qui se fait de death metal moderne (Imperial Triumphant, Pyrrhon). Artificial Brain ressemble d'ailleurs beaucoup à du Krallice d'il y a 10 ans, en rencontrant l'aspect intergalactiquement massif du groupe avec des sensibilités de death metal progressif. Malgré l'arrêt de sa tête pensante - Smith ayant annoncé son départ du groupe -, les gars d'Artificial Brain ont prouvé avec cet album éponyme qu'ils faisaient bel et bien partie des meilleurs groupes de death modernes.

Doodseskader

Year One

Alex

Il y a vraiment à boire et à manger sur ce nouvel album de Doodeskader, duo gantois composé du chanteur / bassiste Tim De Gieter (Amenra, Every Stranger Looks Like You) et son batteur Sigfried Burroughs (Kapitan Korsakov, The K). Depuis la genèse du projet, les deux garçons n'ont jamais vraiment voulu se fixer sur un style de prédilection et privilégient plutôt une approche tout terrain, où toutes leurs influences respectives viennent s'entrechoquer selon leur bon vouloir. Après MMXX: Year Zero, sympathique premier EP paru en 2020, les Flamands passent le cap avec Year One, premier vrai LP paru sur le label allemand Isolation Records. La formation est jeune mais ne manque pas de suite dans les idées, en atteste ces 7 titres qui flirtent avec 40 minutes parfois grunge, parfois hip-hop, parfois sludge et souvent hardcore. D'une manière générale, Doodseskader tape un peu dans tous les sens avec plus ou moins de succès. Car autant le duo est capable de secouer son audience avec des idées extrêmement efficaces et savamment agencées (l’expérience de De Gieter ces dernières années au sein de son Much Luv Studio commence à se faire ressentir), autant on le sent un peu à la ramasse (lorsqu’il lorgne vers des sonorités Deftonesiennes) et tout simplement moins à l'aise sur les aspects plus mélodiques. Dans l'ensemble, le groupe ne s'impose aucune ligne directrice mais à force de vouloir s’essayer à tout, notamment via l’utilisation de synthés ou de boîtes à rythmes, il semble ne jamais vraiment aller au bout des choses. C’est bien la légère frustration que nous laisse ce Year One, non dénué de bonnes intentions mais peut-être pas aussi abouties qu'on l'aurait espéré.

The Callous Daoboys

Celebrity Therapist

Erwann

The Dillinger Escape Plan vous manque ? Pas de souci, la scène mathcore US est encore pleine de ressources. En sus de Thoughtcrimes (qui compte justement en leur rang un ancien de TDEP), The Callous Daoboys est le groupe qui semble avoir compris l'essence de leur genre. Si l'amas d'idées composant leur mathcore frénétique peut sembler absurde au tout venant - pensez à un groupe qui a autant saigné Dillinger que Mr. Bungle -, leur proposition arrive malgré tout à faire sens. L'absurdité n'est ici plus simplement un accessoire, mais l'ethos même du groupe : déjà, leur nom imbitable est un jeu de mot sur les Dallas Cowboys, mais c'est surtout dans leurs paroles qu'ils cafardent une honnêteté punitive et un humour abscons servant à contrebalancer leurs pensées les plus nihilistes. Musicalement, on est sur un délire similaire : le mélange de violence méthodique et de chaos pince-sans-rire, d'hymniques refrains et de riffs effrénés, le tout exprimé avec une théâtralité parfois obscène, ne devrait jamais fonctionner. Cependant, dans l'exécution, le groupe titille des plafonds qui n'ont plus été atteints depuis un certain temps. C'est un peu l'état de la musique de nos jours dans ses extrêmes les plus intenses : complètement loufoque, au bord du gouffre, et foutrement jouissif à contempler. 

Dream Unending

Songs of Salvation

Alex

Le confinement a eu du bon. Du moins pour quelques artistes qui ont eu l'occasion d'étendre leurs horizons dans l'attente de la reprise. C'est notamment le cas de Dream Unending, duo fondé en 2021 par Justin DeTore (qu'on a déjà aperçu dans une quantité invraisemblable d'excellents groupes comme Innumerable Forms, Sumerlands, Boston Strangler...) et Derrick Vella (présent quant à lui au sein des non moins recommandables Tomb Mold et Outer Heaven). La formation auto-labelisée "Dream-Doom" a sorti l'année dernière Tide Turns Eternal, surprenant premier disque sur la très pointue maison 20 Buck Spin et voilà donc Songs of Salvation, ce deuxième album qui débarque dans la foulée sans trop faire de bruit, quoique...Au niveau de la proposition, on part ici sur un doom qui flirterait avec le death progressif et les aspects plus atmosphériques du shoegaze. Oui, sur papier, ça faut beaucoup à digérer mais on peut vous assurer que tout cela est plutôt aiguisé. Dream Unending délivre 5 nouveaux titres emprunts de mélancolie sur lequel les lignes de guitares, tantôt pesantes tantôt cristallines, s'entremêlent au chant caverneux (mais pas que) de son leader et à pléthore de textures venues d'un autre monde. Au delà de la volonté manifeste de leurs créateurs de proposer quelque chose d'assez éloigné de leurs autres projets respectifs, c'est surtout l'incroyable maitrise témoignée ici qui frappe. Chaque titre dispose de l'espace nécessaire pour développer son propos tout en évitant l'écueil de la branlette technique. Avec des sons de guitare aussi magnifiques que l'artwork qui les contextualise, Songs of Salvation contient tout ce que l'on peut attendre du death-doom : une atmosphère angoissante voire mystique, des riffs durs comme le fer et des soli qui mettent en valeur les sons de guitare susmentionnés. On valide fort.