Quand Bakari parle d'herbe, ce n'est pas pour la frime

par Amaury, le 30 octobre 2022

Après avoir claqué une série d’EP remarquable, Bakari a pris le temps d’éprouver ses morceaux sur scène. Une pause plutôt efficace puisqu’elle a notamment permis à ces derniers de faire leur chemin et de libérer leur force singulière : l’audace d’accepter la fragilité. Dans une esthétique racailleuse traditionnelle, ceux-ci n'ont effectivement pas honte d'osciller entre violence et sensibilité, en juste reflet de la vie.

Histoire de confirmer cette impression, en plaçant le curseur un peu plus loin, l’artiste liégeois a récemment livré un EP 4 titres qui en propose une version live-acoustique. Si celle-ci se présente d’abord comme une petite magouille afin d’exploiter jusqu’au bout son catalogue, elle parvient tout de même à toucher son but, avec entre autres une performance bouleversante de « Changer » qui expose là tout son potentiel. Elle a surtout amorcé en douceur un virage dans l’œuvre du rappeur qui semble s’éloigner encore un peu plus des codes gangsta.

C’est dans ce sillage que Bakari vient de dévoiler le premier single de son album à venir, avec « Silver Haze ». Certes, le titre évoque une nouvelle fois l’herbe et ses effets, mais il tend davantage à parler des raisons qui poussent le chanteur à sa consommation. Beaucoup plus intimiste, toujours aussi mélodique, le texte débite des images toujours plus portées vers les failles de son locuteur, sans oublier de lâcher ci et là une punch bien street pour désamorcer la tension.

Ce tournant est d’autant plus palpable que le clip, écrit et réalisé par Quentin Tavernier, délaisse l’esthétique habituelle des ruelles, des Audi et des cross en Y. Il se concentre sur l’histoire d’un couple dont la représentation alterne entre motifs clichés – la mer, le voyage, la communion – et une poignée de scènes d’une terrible brutalité, celle du quotidien. Le message en devient universel.

Plutôt que d’esthétiser une violence parfois sensationnaliste et fictive, Bakari semble avoir choisi grâce à une esthétique particulière, celle du rap gangsta, de sonder la violence de vivre. Un beau retournement qui propose de nouvelles lectures de certains maux. Comme on l'a déjà dit : Bakari, c’est du réel.