On a vraiment envie de vous dire tout le bien qu'on pense d'Atlanta, la série de Donald Glover

par Aurélien, le 7 novembre 2016

Avant le rap, on avait le temps. On pouvait regarder une série, par exemple ; se vautrer dans un fauteuil sans se dire qu'on manquait probablement l'une ou l'autre actualité essentielle de la journée en cours. Mais internet a changé beaucoup de choses. Tant et si bien qu'aujourd'hui, on stresse à l'idée de retrouver sa timeline au sortir d'un blockbuster de deux heures. La grande industrie des séries l'a bien compris et a donc choisi de mettre le hip-hop à l'honneur au petit écran, histoire de donner l'illusion de ne rien perdre de l'actualité rap outre-Atlantique.

On peut notamment parler de The Get Down, la série produite par Baz Luhrmann sur les débuts du rap dans le Bronx dans les 80's. Une série esthétiquement irréprochable, quoique pompeuse dans son exécution (du Baz Luhrmann, en somme). Mais une série qui tire son épingle du jeu grâce à son approche très Marvel du genre, où Grandmaster Flash est grimé en superhéros en proie à toutes sortes de mafieux tout droit sortis d'un film de blaxploitation. Ce n'est pas forcément parfait et on ne va pas se mentir, il y a de sacrées longueurs - attention les yeux pour la durée du pilote. Mais pour le reste, la série remplit parfaitement son office de divertissement et ce serait bien dommage de passer à côté. En plus, pour ne rien gâcher, on retrouve, à chaque début d'épisode, Nas qui se charge de faire un récap rappé de l'épisode précédent. Le genre de valeur ajoutée dont on évite de se priver.

Mais la vraie surprise de cette fin d'année, elle ne vient ni de HBO, ni de Netflix. En fait, elle vient de FX, un concurrent qui avait déjà de belles victoires à son actif, parmi lesquelles Better Things (coucou Louis C.K.), Fargo ou encore American Horror Story. FX donc, un network soucieux de consolider sa visibilité auprès d'un public plus jeune et qui n'a pas hésité à laisser carte blanche à Donald Glover. Libéré de son rôle de Troy Barnes dans Community, le jeune homme a en effet réussi à trouver de la place dans ses journées de 48 heures pour penser et écrire Atlanta, son projet de série où il endosse pour la première fois les casquettes d'acteur et de réalisateur. Un bel exploit quand on sait que sa carrière au cinéma marche plutôt bien et que son parcours de MC sous le nom de Childish Gambino commence à peser lourd aux yeux des fans de Chance The Rapper et Mac Miller.

Dix épisodes et une durée moyenne de vingt minutes par numéro : on pensait le format davantage taillé pour les sitcoms et Glover a donc la lourde tâche de convaincre sur ce format extrêmement frustrant. Pari tenu : malgré de petits ratés en début de saison, les meilleures idées de la série sont à la pleine mesure de l'étroitesse du format. Mieux encore : Donald Glover s'approprie totalement ce format et n'hésite pas à proposer de vrais petits OVNIs - on vous laisse la surprise du septième épisode, qui restera comme le véritable sommet de cette première saison.

Pour la petite histoire, on suit dans Atlanta les pérégrinations de Earn, branleur magnifique qui joue le manager pour son cousin de rappeur à succès Paper Boi, histoire de nourrir son gamin et de reconquérir son ex. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que la série prend un malin plaisir à balader ses spectateurs dans les virages étroits de la Spaghetti Junction. Série sur le rap ? Pas série sur le rap ? Au bout d'un moment, on ne se pose plus la question : on choisit de se laisser prendre par la main par cette solide galerie de personnages, jusqu'au surprenant virage abordé par le dernier tiers qui confirme que Glover n'a rien laissé au hasard. Le lifestyle de la capitale de la Géorgie est évidemment mis à l'honneur, tout comme les violences policières et les problèmes sociaux de la ville. Mais l'écriture est vide de toute pesanteur et préfère faire la part belle aux punchlines et aux rires gras plutôt que de donner des leçons.

Et puis qui dit une série sur Atlanta implique forcément une bande-son en béton armé et quelques apparitions très appréciables. Là-dessus, on n'est pas déçu, surtout que ça risque d'aller crescendo au fil des saisons. Mais pour l'heure, Atlanta est une chouette surprise : c'est un divertissement à fois branché et ambitieux, suffisamment décomplexé pour proposer quelque chose de frais et hors-cadre. En plus, c'est Hiro Murai, déjà faiseur de miracles pour Chet Faker ou Earl Sweatshirt, qui s'est chargé de mettre en image la vision de Glover. Et c'est plutôt réussi.

C'est donc peu dire qu'on attend de voir ce que la saison deux aura à proposer. Et puis dans le pire des cas, on sera fidèles au poste, ne serait-ce que pour retrouver le minois angélique de Zazie Beetz, qui a du faire fondre plus d'un cœur de guimauve.