Il est temps de faire le point sur Griselda Records, l'écurie rap US la plus bouillante du moment

par Tariq, le 12 avril 2017

J'ai en horreur les puristes du rap. Ces gens pour qui le hip hop s'est éteint en 1997 avec la sortie du deuxième album de Biggie, qui considèrent que rien ne pourra jamais surpasser Midnight Marauders d'A Tribe Called Quest et qui ont, plus généralement, beaucoup de mal à accepter le fait que la création d'aujourd'hui puisse, peut-être, avoir autant de valeur que celle d'antan, me consterne. 

Pourtant, très étrangement, le truc qui m'excite le plus en rap US ces temps-ci c'est une bande de rimeurs qui donne dans un revivalisme pur jus, ou comme ils le définissent eux-mêmes : "real classic, gutter, New York boom bap feel". Je veux parler de Westside Gunn, Conway, et de leur écurie Griselda Records. Originaire de Buffalo dans l'état de New-York - aka "the worst city on Earth" - ce crew produit une musique dans la droite lignée du NY grim'n'gritty des années 90, à la fois clairement rétro, mais étrangement moderne et hyper-addictive.    

Leur dernier move en date? Un deal avec Shady Records, le label d'Eminem. Bien qu'on ne connaisse pas la nature exacte de ce contrat - mais qu'on connaisse bien par contre la propension qu'a Marshall Mathers à gâcher le potentiel de ses poulains (coucou Yelawolf), cette signature symbolise parfaitement le poids qu'est entrain de prendre le crew de Buffalo dans le jeu US. 

Ainsi, avant les tubes FM et les productions douteuses, petit passage en revue des troupes de Griselda : 

Westside Gunn 

La tête d'affiche du label a déjà eu le droit à deux papiers dans notre modeste publication (ici et ici). Un timbre aigu et lancinant, ce genre de flows qui donne l'impression que le mec est entrain de choisir quelle partie de ton corps il va sectionner en premier quand il rappe. Riots On Fashion Avenue, produit par les Français du label Effiscienz et chroniqué par nos soins, constitue une parfaite porte d'entrée dans l'univers sanglant et clinquant du 'Flygod'. 

Conway The Machine

Frangin de Westside Gunn. A la particularité d'avoir la moitié du visage paralysé suite à une fusillade. Un timbre légèrement voilé, et une plume précise et réaliste qui retranscrit parfaitement les affres de la vie de rue sur les rives du lac Erié. Reject 2 est son projet le plus convaincant à ce jour. 

Daringer

Architecte sonore du crew et figure incontournable du label. Déstructure l'héritage de RZA et consorts pour en faire un truc encore plus expérimental, dissonant, et souvent dénué de rythmiques. De la torture auditive qui sied parfaitement aux récits crapuleux des deux frangins. Un excellent exemple du genre de dinguerie que le gars peut produire juste ci-dessous. 

Benny 

Dernière recrue en date mais gravite autour du crew depuis le début. Caution technique du groupe dans la plus pure tradition des équipes new-yorkaises. Leur Lloyds Banks ou leur Styles P en somme. 

Mach Hommy 

Notre petit chouchou. Ne fait officiellement plus partie du crew mais ajoute une nuance supplémentaire à leur esthétique. Rappeur préféré de ton rappeur préféré (Earl Sweatshirt). Mach Hommy a fini par lâcher sur soundcloud Haitian Body Odor, un album tiré à 187 exemplaires, et qu'il vendait auparavant uniquement sur Instagram au prix de 300 $.

Pour résumer grossièrement, la sagesse et la posture d'ermite revendiqué par ce rappeur du New-Jersey évoque ce que GZA était au Wu-Tang. L'album est disponible depuis un gros mois mais on n'a pas fini de le digérer tant l'objet recèle une profondeur à la fois musicale et philosophique.