Blu Samu délivre une session live qui lui offre quelques lettres de noblesse

par Amaury, le 28 avril 2020

Autant le dire tout de suite, Blu Samu est loin de faire l'unanimité au sein de la rédaction, où certains la perçoivent comme un produit préfabriqué de la tendance alternative : elle a une histoire et un vécu, elle possède un potentiel indéniable, elle traîne avec des mecs qui chipotent artistiquement ; il fallait donc à tout prix la mettre en avant.

Bien qu'elle ait fait souffler un vent de fraîcheur et de féminité sur le rap belge, elle est aussi devenue la victime de sa surexposition, après avoir été vendue comme la « nouvelle Lauryn Hill du Plat Pays » – ce genre de comparaison inutile, qui fait plus de mal à une carrière qu'autre chose. Cette dernière, poussée à outrance, en a donc pâti, puisque son talent n’était peut-être pas aussi grand que la visibilité qui lui avait été accordée. Et certes, si ça sonnait bien, ça sonnait tout de même de temps à autre faux : Blu Samu force sur scène, force dans son personnage décontracté et force parfois dans son chant, pour atteindre les sommets du cool à lunetz.

Cette fois, pourtant, avec son nouveau titre « L’apache », l’artiste sonne plus que juste.

Tout juste avant que le confinement ne soit déclaré, Blu Samu a sorti des tiroirs le premier texte qu’elle avait écrit. Il ne lui aura suffi que de quelques heures de bricole pour se décider à enregistrer le produit dans une session live. Et quelle bonne idée. Blu Samu se présente enfin avec beaucoup de pertinence ; comme s’il s’agissait de parler juste, de parler vrai.

Elle ne travestit plus son chant en pseudo R&B hybride avec une poignée de vocalises street-creed – ce genre d’élans élastiques mélodiques trop élevés ou ce genre d’accélérations locutoires qui se veulent stylées. Ici, le talent va au cœur de l’émotion, en se foutant de l’aspect de sa musique, ou de son attitude. Et ça paraît, du coup, beaucoup plus riche.

La gestuelle hype et brutale, avec laquelle a pu jouer précédemment l’artiste, servait au marché exactement ce qui séduit les ploucs bourgeois qui ne se sont pas encore remis du divorce de leurs parents, ou bien les mecs du milieu qui, un jour autour d’un mange-debout, ont décidé de s’encanailler juste ce qu’il fallait. Mais quand Blu Samu livre donc enfin une performance brute – à entendre comme « dépourvue d’artifices » – nous avons ici la preuve qu’elle peut assurément prétendre au rang des grandes dames.