A Certain Ratio: Punk-Funk Will Never Die

par Serge, le 4 septembre 2010

Apparu à Manchester en 1978, le groupe A Certain Ratio n'a jamais rencontré de succès franc, sinon sur les dancefloors, "Do The Du" et surtout leur reprise du "Shack Up" de Banbarra restant de gros gros classiques vintage du deejaying depuis maintenant près de 30 ans. L'idée, c'était de mêler une froideur toute new-wave à la moiteur du funk noir le plus cru. Le problème, c'est que d'autres le faisaient mieux qu'eux et de façon nettement plus accessible; Talking Heads et Grace Jones sous les spotlights, Liquid Liquid et ESG dans une sphère plus proche.

Chouchoutés par Tony Wilson et sa Factory, il semble bien qu'ils furent un moment pressentis par le label pour devenir leur next big thing après l'arrêt brutal de Joy Division. Dans son passionnant Rip It Up & Start Again, le journaliste britannique Simon Reynolds parle même de sessions avec Grace Jones et de connexions avec le milieu house-music new-yorkais alors en plein essor. On sait ce qu'il en est advenu : alors que New Order et Happy Mondays firent revivre Factory avec un certain faste, ACR est débauché en 1987 par une major, peine à écrire un véritable tube et dégringole dès lors dans les marécages de l'oubli, vivotant pourtant dix années durant sur le label ultra-confidentiel (hors Angleterre, du moins) de Rob Gretton, le manager de New Order.

Ce n'est qu'au début des années 2000, alors que LCD Soundsytem et The Rapture enflamment les passions et que le label Soul Jazz ressort ses albums du début des années 80 qu'A Certain Ratio rencontre enfin une reconnaissance nettement plus massive que du temps de sa « splendeur ». Artistes, labels, bios, journaleux et pages MySpace vantent enfin publiquement le rôle de pionnier du groupe mancunien dans cette idée d'un funk perverti par la froideur, la paranoïa et la noirceur d'âme. Revigoré, en 2008, le groupe enregistre un nouvel album, titré Mind Made Up, leur sixième, et dans la foulée, donne en 2009 quelques concerts, notamment à Dublin, Brighton et Molenbeek. L'accueil est enthousiaste mais le disque peine à vendre. D'ailleurs, le voilà qui ressort aujourd'hui, comme si de rien n'était, deux ans après sa première commercialistion. Et le pire, c'est qu'il est bon, et même nettement mieux maîtrisé et produit que ceux désormais cultes du passé. Mis à part quelques incursions pas renversantes dans la pop, il étire presque une heure de funk vicieux et sombre, charriant bien davantage de fantasmes « urbains » qu'une majorité de sorties hip-hop. Une ambiance de nuit très Bret Easton Ellis pas mal du tout, un vrai trip mental sur lequel mouliner des images plutôt que danser. Mais toujours pas le moindre tube...