Interview

Toy Fight

par Nicolas, le 29 octobre 2009

Sorti en mai dernier sur City Slang, le second album de Toy Fight n’aura pas déchaîné les foules. Certes, l’accueil réservé à Peplum fut bon mais un rien trop poli. On espère donc que la tournée européenne du groupe mettra les choses au point car la musique des Parisiens mérite bien davantage que l’oubli en cette rentrée musicale. Goûte Mes Disque a donc pris le temps de se pencher sur un des grands espoirs de la scène pop française… et vous incite à aller les voir sur scène dans un futur proche.

Goûte Mes Disques : Après un premier album autoproduit, Anagram Dances, Toy Fight s’était séparé. Peux-tu revenir sur l’histoire singulière du groupe ?

Maxime Chamoux : Pour résumer un peu, Toy Fight s’était séparé en 2004 pour diverses raisons, soit pour se concentrer sur les études soit pour s’investir dans d’autres projets. En fait, il se trouve que David a décidé en 2006 d’ouvrir la page myspace de Toy Fight pour garder une trace de tout cela. Un mois plus tard, on a reçu un mail du boss de City Slang qui nous demandait de le rappeler si on cherchait un label. Après quelques discussions entre nous pour voir ce qu’on allait faire, il a été décidé qu’on reprenait Toy Fight car l’expérience nous tentait beaucoup. Donc, on a pris un peu de temps pour recomposer le groupe, pour intégrer un batteur, un bassiste,… et pour savoir ce qu’on voulait faire de cet album, dans quelles conditions on voulait l’enregistrer, quelles chansons voulait-on enregistrer,… Si certaines chansons se retrouvent sur l’album de démos et sur Péplum, elles ne sont pas identiques et ont été largement réarrangées. On a quand même prit un an pour réaliser l’album.

Goûte Mes Disques : Venons-en, comment s’est passée la rencontre avec le DA de City Slang, label qui compte en ses rangs quelques jolis noms de la scène indé (The Notwist, Malajube, Herman Dune,…) ?

Maxime Chamoux : La première fois qu’on a rencontré le boss de City Slang à Paris, c’était assez marrant. Je pense que jamais un groupe ne s’est aussi mal vendu que nous. On lui a dit en toute honnêteté qu’on n’était plus un groupe au moment où on le rencontrait, qu’on avait décidé d’arrêter et qu’on ne faisait pas de concerts. Il n’y avait pas plus mauvais plan d’attaque. Et lui, assez ironiquement mais pas tant que ça après coup, nous a répondu que, dans dix ans, les albums indés ne se vendront plus. En attendant, il veut sortir les groupes qu’il aime bien, même si c’est à perte. On était donc tombé sur la personne idéale pour sortir un album de Toy Fight. City Slang n’a jamais rien demandé pendant les 8 mois d’enregistrement. Ils n’ont jamais voulu écouter la moindre note de ce qu’on faisait, ils ont tout écouté quand tout était fini et mixé. C’est tout à leur honneur, c’était vraiment agréable de travailler de la sorte.

Goûte Mes Disques : Pour recomposer le groupe, comment vous y êtes-vous pris ?

Maxime Chamoux : On a intégré Jean Thevenin, un batteur qui joue dans une bonne demi-douzaine de groupes à Paris et qui est surdoué, et Bertrand Faure-Brac, qui ne joue plus que dans Toy Fight. Quand elle a le temps, Mina Tindle vient faire les chœurs avec nous. Tout cela ne nous a pas été imposé par City Slang, on en avait un peu marre de cette pop de chambre réalisée entre copains dans un appartement d’étudiants. On voulait qu’il y ait plus de groove sur le disque, il nous fallait donc intégrer une section rythmique. Et surtout une vraie dynamique de groupe qui s’en ressente.

Goûte Mes Disques : Une particularité du disque est de laisser place à trois interludes musicaux spécifiques. Peux-tu nous en dire davantage ?

Maxime Chamoux : Toy Fight est un groupe qui débat, qui discute et qui tergiverse énormément. On passe beaucoup de temps à cela. Pendant l’enregistrement de l’album, il y a eu un moment où, au-delà de nous taper sur le système avec ces sempiternelles discussions, on a décidé modestement de s’accorder, chacun de nous trois, un encart où l’on faisait absolument ce qu’on voulait. Et où personne, aucun des deux autres, n’avait droit de regard. Donc, cela a donné ces interludes-là, chacun de nous trois étant contraint à occuper trente secondes de l’album.

Goûte Mes Disques : On vous compare tout le temps à Belle And Sebastian. Assumez-vous cette filiation ou êtes-vous excédés par une telle comparaison ?

Maxime Chamoux : Belle And Sebastian est le groupe préféré de Sébastien Brocca. Et effectivement, l’influence est là. Après, c’est vrai que je trouve ça réducteur de nous comparer uniquement à Belle And Sebastian mais on essaye autant que possible de ne pas verser dans la twee pop qui nous fatigue un peu. En l’occurrence, ce n’est pas quelque chose que j’écoute. Cette attitude "enfants de chœurs" chez les indés est quelque chose qui a tendance à m’agacer.

Goûte Mes Disques : Qu’écoutez-vous donc ?

Maxime Chamoux : On écoute de tout, on est des gros consommateurs de musique. Pendant l’enregistrement de l’album, on a écouté beaucoup de musique brésilienne avec David. Les années 60-70’s ont été une époque fourmillante de génie au Brésil. Gilberto Gil, Caetano Veloso, Tom Zé,… Même si ça ne s’entend pas sur l’album, on est également des amateurs de hip-hop. On est des grands fans du Wu-Tang Clan, de Jay-Z,… Ca ne s’entend pas sur l’album mais c’est ce qu’on écoute au quotidien. Par contre, s’il y a deux albums de pop qu’on a beaucoup écouté et qui nous ont influencés, c’est le dernier album de Spoon et Ram de McCartney, son deuxième album solo après les Beatles où l’on trouve une pop décontractée. On a l’impression que tout y est très facile.

Goûte Mes Disques : Pourquoi n’avez-vous pas gardé le titre Anagram Dances ? Ou plutôt, quelle est l’origine du nom Péplum ?

Maxime Chamoux : On n’a pas gardé le même car ce n’est plus la même chose. Dans notre tête, c’était déjà une évolution par rapport à notre premier album. Il y a un seul morceau qu’on a laissé en état, dont on était content du son, c’est "Soldier" qui clôt le disque. Pourquoi Péplum ? C’est une anecdote un peu particulière. Un après-midi, on cherchait avec David le titre de l’album pendant l’enregistrement et on a pensé dans un premier temps à l’appeler "Contredanse". Et le soir même était organisé l’anniversaire d’une de nos meilleures amies. On arrive tout fier vers elle et on lui dit le titre de l’album. Là, elle est sceptique et nous répond que ça fait un peu pompeux, que ça fait un peu péplum. Et là, on se regarde tous les trois en se disant que c’était le titre qu’il nous fallait. D’ailleurs, David a une explication a posteriori que j’aime beaucoup pour Péplum. En fait, un péplum est un film qui prétend être épique, à multiplier la grandiloquence et les effets spéciaux, mais qui est desservi par une pauvreté de moyens. C’est assez étonnant car c’est ce qu’on a essayé de faire avec le disque : proposer une pop assez subtile avec pleins de détails dans tous les sens, pleins de mélodies, de tiroirs à ouvrir et, en même temps, on l’a fait chez nous avec des budgets assez réduits et des moyens comme à la maison. Il y a donc une certaine similitude qui nous plaisait bien.

Goûte Mes Disques : Pourtant, il y aura bien eu une incursion de City Slang en ce qui concerne la production. Comment est-ce que cela s’est passé ?

Maxime Chamoux : On a commencé par travailler avec un ingé son qui s’appelle Raphaël Ankierman, on a fait un premier mix avec lui. Il se trouve que celui-ci n’a pas complètement plu à City Slang qui a décidé de le refaire faire à Berlin auprès d’un autre ingé son. Il a remixé l’album en nous demandant notre avis chaque soir à la fin de sa journée de travail. On le lui donnait et on lui refaisait faire les choses qu’on voulait. Cela a été la seule incursion extérieure sur cet album qui a été réalisé en vase clos.

Goûte Mes Disques : Enfin, la dernière question est classique. Quels sont les derniers disques qui t’ont plu ?

Maxime Chamoux : Il y en a deux qui sont sortis cette année et que j’écoute en boucle pour l’instant, c’est le dernier opus de Bill Callahan, un album de folk majestueux et d’une grande précision au niveau textuel, une adéquation parfaite entre la musique et les mots, et le dernier Dirty Projectors, d’une richesse mélodique qui me dépasse à chaque écoute. Après, j’écoute beaucoup de vieilleries, comme Curtis Mayfield,… ou Iron Flag un album sous-estimé du Wu-Tang Clan.