Interview

Tekilatex-Sound Pellegrino

par Julien Gas, le 2 novembre 2009

En 2009, Sound Pellegrino fut le vent frais de l'électro mondiale, le renouveau que l'on attendait. Grâce a une poignée de hits complètement fous, le label au nom pétillant et à la présentation très "Deutsche Grammophon" vient de foutre une bonne claque ou un bon coup de pied au cul (c'est selon) à une french touch 2.0 qui commençait à fonctionner au copier/coller. La première sortie du label fut "Eurovision" des fabuleux Zombie Disco Squad, débarquant en véritable ovni dans un paysage électronique trop souvent limité au carré électrofluo/minimale/dubstep/nu-disco. S'ensuivront les sorties de Douster, Harvard Bass ou encore Renaissance Man qui finiront d'asseoir la réputation du label en à peine quelques mois. Depuis, la structure parisienne issue d'Institubes, et dont la particularité est de ne sortir qu'un seul maxi par artiste et seulement en digital, est playlistée par des artistes aussi différents que Brodinski, Sinden, Annie Mac, Riva Star, Tiga, Aeroplane ou encore Chloé! L'occasion rêvée pour Goûte Mes Disques de poser quelques questions au co-fondateur du label, Tekilatex.

GMD : Tu es l'un des co-fondateurs du label Institubes qui vient, cette année, de créer deux sous-labels, Stunts et Sound Pellegrino. En ce qui nous concerne, on veut te parler de Sound Pellegrino qui est en train de faire souffler un vent de nouveauté sur les dancefloors. Quelle est la genèse du projet et quelles ont été vos motivations ?

Tekilatex : Au moment où TTC tournait beaucoup et où je préparais mon album solo, je me suis un peu éloigné de la direction artistique d'Institubes. Ce sont des collaborateurs et amis à moi qui ont repris le truc à plein temps, beaucoup plus professionnellement. Puis récemment, avec Orgasmic, on a eu envie de créer notre petite structure à nous, plus flexible qu'Institubes, en digital uniquement, et sans l'idée de développement de chaque artiste derrière très présente chez Institubes. Un truc qui nous permettrait d'enchaîner les sorties plus fréquemment et de sortir des coups de cœur dans un style musical plus house. Sound Pellegrino est né de ça. Sans trop se poser de questions, on a suggéré ça aux gens qui s'occupent d'Institubes aujourd'hui. Ils nous ont donné leur support et les moyens de lancer le label sans difficulté.

GMD : En à peine quelques sorties, le label a déjà un son très identifiable: une house tropicale, hyper groovy et efficace. Comment choisissez-vous les artistes? La direction artistique est exclusivement gérée par Orgasmic et toi?

Tekilatex : Effectivement, c'est Orgasmic et moi. On choisit les artistes en écoutant énormément de musique chaque jour et en se demandant fréquemment si tel ou tel morceau qui nous plait est indispensable au bon fonctionnement de l'humanité. Quand la réponse est oui, alors on le sort.

GMD : Le label est en train de se doter d'une véritable identité et les artistes que vous avez signés profitent d'un coup de projecteur pour leur future carrière. Est-ce que vous allez persévérer dans le concept du one shot ep (un artiste = un seul ep) compte tenu du succès de vos nouvelles signatures ?

Tekilatex : Je ne pense pas qu'on sortira des albums tout de suite donc oui ,ça restera des EP. Après, je t'avoue qu'effectivement on aurait envie de ressortir des maxis de plusieurs artistes qui ont déjà sorti des trucs chez nous. Un gars comme Douster nous a donné un excellent maxi de house un peu musclée au tout début de Sound Pellegrino. Depuis, sa musique a énormément évolué et, aujourd'hui, il affirme une identité musicale complètement unique, à mi-chemin entre la cumbia digitale, une sorte de reggaeton accéléré du futur et la bonne vieille house music. C'est super intéressant et ça ne me dérangerait pas de ressortir un truc de Douster dans cette veine-là le jour ou nos emplois du temps le permettront. Mais aujourd'hui, notre calendrier des sorties est quasi bouclé jusqu'au printemps prochain.

GMD : Quels labels vous ont influencé dans la façon de gérer Sound Pellegrino et quels labels ont eu un impact important sur votre façon de voir la musique?

Tekilatex : Pour notre façon de voir la musique en général: Def Jam, Death Row, Fondle'em Records, Deutsche Grammophon, Dancemania, Warp, Ninja Tune, Nervous Records. Pour Sound Pellegrino et notre manière de gérer le label: Dirtybird, Made to Play, Samsobeats, Turbo, Mad Decent pour l'ouverture d'esprit et le coté découvreur de talents. Ajoute un soupçon d'Ed Banger pour la puissance marketing, et ce n'est pas un label mais je dirais le réseau des white labels de la scène "garage" anglaise et ses dérivés (notamment la "funky house") pour leur rapidité d'adaptation et de réaction au marché.

GMD : A coté du label, on retrouve également le Sound Pellegrino Thermal Team, une team qui regroupe Orgasmic et toi pour des DJ sets au son du label. Vous étiez notamment à la grand messe I Love Techno avec la crème des deejays mondiaux, l'occasion de défendre haut et fort les couleurs du label j'imagine. Une tournée mondiale des clubs est prévue?

Tekilatex : Oui on s'est retrouvés chez Jackmode qui sont les Allemands qui font tourner à la fois Renaissance Man, Zombie Disco Squad, Solo et pas mal d'artistes de cette scène. Ils bossent extrêmement bien et on a déjà énormément de dates en tant que Thermal Team. On développe le truc pas à pas et on espère faire des soirées estampillées Sound Pellegrino, une franchise qui véhiculera l'esprit du label. On a un son à part qui ne colle ni au moule "turbine" ni au moule "minimale", donc je pense que ce qui est intéressant c'est de créer notre propre public pour ce son-là et, évidemment, les soirées qui vont avec.

GMD : Vous avez signé récemment Gucci Vump qui n'est autre que Brodinski accompagné de Guillaume de The Shoes. C'est eux qui sont venus vers vous avec ce projet?

Tekilatex : Brodinski est l'une des personnes à qui j'ai parlé de Sound Pellegrino en premier, au moment de la genèse du label. Ça nous paraissait évident à Orgaga et à moi que c'était un label dans lequel il allait se retrouver puisqu'on véhiculait pas mal de trucs en commun dans notre manière d'aimer et de défendre la musique électronique provenant des deux cotés du spectre. Le truc a dormi pendant un temps et puis, un beau jour, il m'a fait écouter les premiers morceaux de Gucci Vump en me proposant de les sortir.

GMD : On parle aussi de toi sur une des prochaines sorties du label. Ce sera Tekilatex en tant que producteur ou tu y apposeras ta voix? Peux-tu nous en dire plus ?

Tekilatex : Ca sera Teki Latex en tant que co-producteur, à coté de quelques grands noms de cette scène. Il y aura aussi des voix. Une sorte de Tiga plus "urbain"avec un soupçon de Ron Caroll et une pointe de Faithless. Je suis un énorme fan de l'exercice musical "spoken word mystique et mystérieux scandé avec conviction dans une voix ténébreuse par dessus un bon vieux morceau de house music bien sexuelle".

GMD : Est-ce que vous avez pour projet d'éditer des vinyles ou une compilation de maxis du label et de rompre ainsi avec le tout digital que vous prônez actuellement ?

Tekilatex : Des maxis en vinyle, non mais une compilation, oui et très prochainement.

GMD : Qui est Nouveau Yorican? Pas de myspace, aucune information sur lui. Certaines rumeurs parlent de Laidback Luke, tu peux nous en dire plus?

Tekilatex : Il s'agit d'un projet de Laidback Luke et Gina Turner, une fille DJ de Los Angeles. Ça sonne très différemment de ce que Laidback Luke fait en solo. Sur Nouveau Yorican, ils mettent en avant un côté beaucoup plus Jacking House, très Chicago… Ça sonne vraiment comme le genre de trucs que Bobmo et Surkin passent en boucle dans leurs sets, très punchy et assez différent du "son Sound Pellegrino". Mais ça fait du bien de ne pas non plus devenir des caricatures de nous-mêmes ; c'était déjà notre intention avec la sortie du maxi de L-VIS 1990. On veut prouver qu'on aime la house music au sens large et qu'on ne sera pas le label qui mourra le jour ou les trucs qui sonnent "minimale tropicale" lasseront les gens.

GMD : Après Solo et Nouveau Yorican qui seront les prochains artistes à sortir ?

Tekilatex : Un maxi de Bart B more, mon maxi à moi, et puis après... surprise!

GMD : Le label Sound Pellegrino a dématérialise complètement la musique et apparaît comme un nouveau modèle de distribution. Le tout digital est-t-il rentable pour un label comme le vôtre ou ce sont vos deejays set qui payent les futures sorties?

Tekilatex : Le label est vieux de tout juste 9 mois et a un statut à part puisqu'il dépend d'une maison mère qui est Institubes. C'est une situation particulière. On ne roule pas sur l'or parce qu'on essaye de mettre le paquet sur la promo mais le label commence à devenir rentable.

GMD : Pour terminer, peux-tu nous donner ta playlist du moment en une quinzaine de tracks tous styles confondus?

Tekilatex :
Claude von Stroke: Vocal Chords
Bart B More : Romane
Alvaro : Drop Low
Nouveau Yorican: Boriqua
Solo : Rawmania (beataucue remix)
Mason: Intimate Express
Douster: King of Africa
Vitalic: Second Lives
Young Money: Bedrock
Jesper Dahlback: Snara
Boys Noize : Drummer
Paul Simon : You Can Call Me Al
The Very Best : Warm Heart of Africa (So Shifty remix)
DJ Tonka : Freeze
Arcade: Jugo Carioca y Dario Popular (Douster dumb mix)