Interview

Hoorsees

par Nikolaï, le 24 mai 2022

Compliqué de passer à côté d'Hoorsees quand on s'intéresse un tant soit peu à la musique à guitares et au sacro-saint rock indie. On a pourtant un peu trop tendance à réduire le groupe parisien à la somme de ses influences 90's, certes toutes excellentes. Goûte mes Disques ne pouvait absolument pas louper le coche d'une interview, peu après la sortie de leur excellent deuxième album A Superior Athlete, pour leur dire tout le bien qu'on en pensait. Rencontre stimulante avec Alexin, Zoé et Thomas avant une de leur répét'. L'occasion de se rendre compte que la recette slacker est simple : de l'humour, un refus de se prendre au sérieux et de l'auto-dénigrement perpétuel. Il faut cependant remettre les pendules à l'heure et l'asséner : le songwriting d'Alex est dément et le groupe lui fait (sacrément) honneur. 

GMD : Cet album a été enregistré en pleine montagne par le groupe. Vous pouvez m’en dire plus sur cette ambiance "Heidi et son groupe enregistre un disque" ?

Thomas : No distractions ! C’était un bunker au fin fond de l’Ardèche. En fait, la maison très accueillante de la mamie d’Alex.

Alex : Pas de voisin non plus ! Ce n’était pas vraiment par choix puisque de toute façon nous n’avions pas d’autres lieux à disposition. On ne savait même pas si ça allait marcher parce que l’électricité n’était pas aux normes. Et puis, ça nous évitait de dépenser beaucoup d’argent.

Thomas : Notre ingé son Florentin a fait venir tout notre matos technique nécessaire. C’est un peu comme quand AC/DC a enregistré Back in Black, en s’isolant. Bon par contre, c’était aux Bahamas. Mais ça revient au même !

Zoé : Y avait de l’eau aussi !

Thomas : Ouais parce qu’on s’est tapé un énorme orage le deuxième jour. Les plombs ont sauté et un des fusibles de mon ampli a sauté aussi. L’enregistrement de l’album a failli tourner à la catastrophe.

GMD : L’album a été enregistré en live parce qu’apparemment vous n’êtes pas fans du piste par piste. Pourquoi ?

Alexin : On a tout fait ensemble dans une pièce au même moment. Après, on a ajouté la voix et 2/3 guitares en plus. On ne déteste pas le piste par piste, c’est juste que ça ne convient pas à notre style. Et puis, on a la flemme. En plus, ça fait chier notre ingé son et on écoute ce qu’il nous dit.

GMD : Il paraît que TH Da Freak vous a aidé dans la conception du second album. De quelles manières ?

Alexin : Thoineau c’est un pote à nous et on a fait pas mal de concerts ensemble. Avec Siz également, on se donne souvent des conseils pour ne pas se répéter. Ça m’a aidé lors de l’écriture des chansons. Mais nous n'étions pas du tout au téléphone en se disant "tiens qu’est-ce que t’en penses de ce morceau ?". 

GMD : Ça vous embête qu’on mette toujours l’accent sur le côté slacker et nonchalant du groupe ou vous vous reconnaissez dans cette esthétique 90’s ?

Alexin : Je ne vois pas comment ça peut agacer Zoé ! Je ne sais pas si le fait d’être nonchalant soit propre à une décennie, d’ailleurs.

Zoé : Quand je lis dans les articles nous concernant qu’on fait les choses avec beaucoup de nonchalance, je ne comprends pas vraiment. On ne se rend probablement pas compte mais en tout cas ce n’est pas voulu.

Alexin : C’est une espèce d’amalgame journalistique d’associer slacker et branleur alors que ça n’a rien à voir. C’est une manière de performer la musique dans un certain relâchement. Tout simplement dans la détente et un peu mou. On ne veut pas trop faire les rock-stars sur scène. On a tous déjà eu ici des projets artistiques et le fait d’avoir une vision globale sur l’attitude ou sur les fringues par exemple ne nous ressemble pas du tout. Y a aucun présupposé sur le fait que Thomas doit porter la moustache ou que Zoé n’a pas le droit d’avoir une frange. Chacun fait comme il veut. Le groupe est du coup plus décontracté vu qu’on ne leur demande rien…

Thomas : On peut nous reprocher d’être parfois statique mais finalement, c’est ce qu’on est. Flemme aussi un peu…

GMD : Vous levez les yeux au ciel quand on emploie les termes "ados" ou "maladroits" pour vous désigner ?

Zoé : On est assez vieux en plus, du coup je comprends encore moins.

Alexin : Les gens ont besoin de jalonner l’histoire de la musique de références qui leur ont plu. Il s’avère que certains groupes étaient ados et maladroits et peuvent se comparer avec la musique qu’on fait. Mais ce n’est absolument pas le but de le faire ressentir. Et puis, ce n’est pas maladroit de faire exprès d’être maladroit. Le côté non-léché et non fini est travaillé et ce n’est pas un hasard.

GMD : D’ailleurs, Hoorsees jongle entre DIY assumé et production léchée. Cette opposition représente bien le groupe pour vous ?

Thomas : On ne se pose pas vraiment la question. Mais c’est vrai que j’ai eu quelques retours me disant que notre deuxième album est mieux produit que le premier. Après, on ne s’est pas dit que c’était une prod’ à la Linkin Park... Malgré quelques lignes conductrices esthétiques sur le mixage et la façon de prendre le son, ce n’est pas volontairement hi-fi.

Alexin : L’ingénieur du son, qui est surtout le producteur du groupe, avait carte blanche. Je n’y connais rien et l’informatique musicale ne m’intéresse pas du tout. De toute façon, la chanson guide le son. Une fois qu’elle est écrite, c’est assez évident de savoir de quelle façon elle va sonner. Je pense que le DIY n’existe pas vraiment ; dans le sens ou ce n’est pas une volonté d’avoir l’enregistrement le plus crade possible mais une faute de moyens.

GMD : Vous avez l’air d’avoir une fascination pour les magnifiques benêts géniaux comme Jonathan Richman. C’est ce genre de personnage qui vous a donné votre sens de la mélodie ?

Alexin : Oui, surtout moi. J’adore Jonathan Richman ! Quand j’étais petit, j’écoutais beaucoup l’album Rock’n’Roll with the Modern Lovers. J’aime aussi Randy Newman et Adam Green. Sous couvert d’être innocents, c’est en fait très acariâtre ce qu’ils racontent. C’est une bonne manière de faire passer la pilule. Ce côté benêt est aussi typique d’une époque. C’est une volonté de ne pas se prendre trop au sérieux, d’être conscient que faire de la musique n’a pas une incidence terrible dans le monde et de se rappeler que t’es un peu personne…

GMD : Alexin, tu t’identifies beaucoup au songwriting de Stephen Malkmus ? Tu es fier qu’Hoorsees est très souvent comparé à Pavement ?

Alexin : Non, je ne pense pas être fier parce que ce n’est pas du tout le même niveau. Je ne sais pas si je m’identifie parce que je n’arrive pas à faire pareil… J’essaie de comprendre ses morceaux avec ma guitare mais je n’y arrive pas. Je pense que les comparaisons sont à trouver principalement dans le fait de ne pas gommer les imperfections et d’avoir un chant particulier. Ça me touche beaucoup la manière dont Stephen Malkmus chante les choses. En tout cas, ça reste un fil conducteur quand j’écris une chanson mais je n’essaie pas de le copier. Et puis, c’est toujours mieux d’être comparé à Pavement que Kings of Leon ; comme on a déjà eu. Ou même War on Drugs que je n’aime pas du tout en plus. Je ne vois pas du tout la ressemblance.

GMD : Votre second album s'appelle A Superior Athlete. C’est qui alors votre athlète supérieur de choix ?

Zoé : Grégory Coupet ! J’étais amoureuse de lui quand j’étais petite et il était vachement fort.

Alexin : Ibrahimovic. Pour le personnage, pour la pensée et pour le PSG. Et pour son nez qui ressemble au mien.

Thomas : Pour moi c’est Chris “Douggs” McDougall ! Un parachutiste australien bien fracasse.

GMD : Mais tu fais du parachute ?

Thomas : Oui !

Zoé : Attention il peut t’en parler pendant 15 ans, ne le lance pas. T’es pas pigiste pour Paramag par hasard ?

Thomas : Petite dédicace à Alex, mon moniteur de parachutisme, et son groupe de rock des Flying Pirates.

GMD : D’ailleurs, avoir un groupe pendant le covid c’est sportif aussi ?

Zoé : On a eu beaucoup de faux espoirs. On a dû repousser deux fois la release party de notre premier album.

Alexin : Ce qui est très sportif, c’est de savoir comment occuper son temps. Il fallait être patient en tant que musicien pendant le covid, putain. Mais ça permet d’avoir de nouvelles passions. Pendant le premier confinement, j’ai essayé d’utiliser mes pieds comme mes mains. A la fin, j’arrivais à me doucher avec mes pieds.

Thomas : Tu as pu apprendre le solo de "Sultans of Swing" avec tes pieds ?

Alexin : Non, je n’ai pas essayé de faire de l’art avec !

GMD : C’est vrai que vous voulez rendre le terme pop-rock cool en 2022 ?

Thomas : Pas vraiment. Nous n’avons aucune volonté de rendre cool quelque chose, finalement.

Alexin : Oui, exactement. Je crois que la volonté aussi n’est pas le mot clé du groupe.

GMD : Ca fait quoi d’avoir sorti une des meilleures chansons de l’année, Week-end at Bernie's ?

Alexin : C’est marrant que tu dises ça parce que ça fait six mois qu’on se dit qu’on s’est planté sur le choix du premier single. C’était "Jansport" à la base qu'on voulait. On a eu l’idée – sûrement saugrenue – de mettre en avant quelque chose qui était différent de ce qu’on faisait auparavant. J’avais la chanson "El Scorcho" de Weezer dans la tête quand j’ai écrit "Week-end at Bernie's". J’ai essayé de faire pareil mais j’ai raté. En tout cas, c’est typiquement le morceau que je me serais interdit de faire avant. Mais sur ce deuxième album, je me suis dit de faire des trucs plus hooligans et de laisser des solos épiques à Thomas.

GMD : Vous êtes déjà apparemment en train d’enregistrer le troisième album. C’est pourtant pas très slacker cette productivité !

Alexin : Il faut savoir que l’album A Superior Athlete a été enregistré en 2020. Du coup, c’est pas si productif que ça. Et puis on est surtout en train de répéter le prochain. Il est à peu près écrit et on va l’enregistrer cet été. On essaie de battre le fer tant qu’il est chaud. On va tenter de garder une cadence d’un album par an, même si c’est ambitieux.

Le groupe sera à Clermont-Ferrand le 03/06, à Bordeaux le 04/06, à Rouen le 16/06, à Châteauroux le 17/06, à Tulle le 18/06, à La Ferme Électrique le 08/07, au Festival des Pépites le 28/07, à Interqlub le 30/07 et à Nantes le 31/07.