Interview

Balladur

par thomas g, le 20 décembre 2023

Une interview avec les deux membres du duo lyonnais lors de leur passage à Bruxelles à la Cheminée pour présenter leur dernier album qui pose la question essentielle : Pourquoi certains arbres sont-ils si grands ? Loin de la coldwave des débuts (on en parle dans l’interview), Balladur sort un bouquet de chansons complexes et mélancoliques, en français et en italien, sur des synthés exotiques et des cadences syncopées, digne des meilleurs tubes d’Alain Chamfort. Retrouvez donc ici Amédée de Murcia qui sort des albums de musique électronique expérimentale sous le nom de Somaticae mais qu’on retrouve dans d’autres duos comme Jazzoux et OD Bongo. Et le guitariste et chanteur Romain de Ferron qui a également une carrière solo sous son propre nom et a dernièrement participé aux derniers albums de Charlène Darling et Omerta. Si vous êtes plutôt podcast, vous pouvez également écouter l’échange sur Radio Panik.

Vous avez 1000 projets l'un à l'autre mais vous arrivez toujours à vous retrouver.

Amédée : On a un agenda bien tenu. Comme on sort un album tous les 5 ans, on a le temps de faire d'autres duos et trios à côté.

Et comment vous décidez de garder tel ou tel morceau pour Balladur ?

Amédée : Romain est de plus en plus perfectionniste.

Romain : Dans nos autres projets, on n’écrit pas de paroles. Amédée, c’est expé avec Somaticae et moi c’est plutôt instrumental et répétitif. Il y a quand même des trucs qui naviguent entre les différents projets mais avec Balladur, c’est plus clair. Il y a ce format chanson qui fait que le projet est bien balisé.

Amédée : Avec le format chanson, il est très dur d’être satisfait du morceau. C'est pour ça que je parlais de perfectionnisme. Je pense que c'est beaucoup plus dur que de la musique instrumentale. D'ailleurs toi sous ton nom, Romain de Ferron, c'est de plus en plus composé. De véritables symphonies !

Vous sortez cet album comme d’habitude sur le Turc Mécanique mais aussi pour la première fois sur deux autres labels.

Romain : Le Turc Mécanique va bientôt s’arrêter. Il y aura une giga fête en février pour fêter l'enterrement. On est content de pouvoir boucler la boucle avec eux puisqu’on a sorti tous nos albums sur ce label parisien. Mais en même temps, on avait aussi envie d'enclencher des nouveaux trucs avec des nouveaux labels, comme Carton Records qui nous trouve pas mal de dates. Et Another Record qui ont été très vite enthousiastes.  



Tu as dit sur Instagram que Balladur c'était ton groupe de variété française. Pourtant, on lit toujours partout que vous faites de la cold wave comme au premier jour quand vous avez sorti votre première cassette il y a 10 ans.

Romain : En vrai, quand on nous dit qu'on fait la cold wave, on est un peu deg’. Ça nous colle à la peau. Il y a cette cassette bien sûr mais aussi tous les groupes auxquels on est un peu associé, comme Ventre de Biche ou Colombey. Au départ, on faisait tous de la cold wave en effet, mais assez rapidement on est passé à autre chose. Là, récemment, il y a une chronique où on nous comparait à Michel Berger. Ça y est, on a réussi : les gens ont compris qu’on fait de la variétoche.

Amédée : Il y a quand même un truc : je pense qu'on a gardé la structure des chansons synth pop dans notre musique mais que ce n'est plus les mêmes orchestrations.

En parlant de truc qui vous colle à la peau, est-ce que 10 ans après, vous ne regrettez pas d’avoir choisi le nom Balladur ?

Amédée : Tu veux en dire en termes de référencement Google ? Oui, c'était une erreur.

Romain : C'est une blague qui dure depuis 10 ans quoi. C'est un peu relou une blague qui dure 10 ans. Mais en même temps, vu qu'on fait de la musique un peu kitchouille pop, j'aime bien qu'on ait ce nom un peu monstrueux. Dans ma tête, ça tempère un peu ce qu’on fait.

Amédée : On ne peut plus changer de nom maintenant, ça serait impossible. Mais c'est quelque chose que tu fais bien de dire. Et il faut le dire aux plus jeunes : choisissez bien votre nom de groupe.

Comment vous faites pour choisir entre le français et l'italien ?

Romain : Il est arrivé plusieurs fois qu'on n'arrive pas à trouver de paroles en français. Du coup, on se rabat sur l’italien, même si c’est une langue qu'on ne comprend pas. Mais c’est beaucoup plus stylé de dire “glace à la vanille” en italien.

Amédée : Comme avec l’anglais en fait.

Romain : Je trouve qu’il faut faire un effort supplémentaire pour réussir à écrire des chansons en français. L’italien, c’est la facilité.

Amédée : Écrire une chanson en français… quelle langue difficile. C'est dur de ne pas tomber dans quelque chose de trop littéraire. Il y a vraiment quelque chose avec cette langue. C'est peut-être aussi pour ça qu'on s'est dit plus honnêtement qu'on faisait de la variété, parce qu'on chante en français avec des textes qu’on essaye de pas faire trop ampoulés.

Vous avez quand même casé trois morceaux instrumentaux sur celui-là.

Romain : Moi j'aime bien les albums qui racontent une histoire. Les instrumentaux, c'est dans cette idée de créer un univers. On avait envie de faire des trucs de studio qu’on allait pas jouer en live. Puis, l'album était un peu court et on s’est dit que cela nous permettait aussi d'avoir un disque plus long où tu fais un voyage.

Amédée : J'espère que c'est pas considéré comme du remplissage. Tellement on était fan de telle mélodie, on a voulu en faire un thème qu’on jouait différemment en intro, en outro, au milieu. Pour les rares gens qui écoutent encore l’album dans l’ordre.

Vous préférez jouer dans les SMAC et autres salles régionales subventionnées ou les endroits comme la Cheminée avec des éclairages douteux et qui sentent la moisissure ?

Romain : J'ai l'impression qu'on a toujours joué partout : des PMU, des SMAC, des librairies... Et j’espère qu'on va pouvoir continuer à le faire. Dans les lieux comme la Cheminée, c'est un public de connaisseurs alors que dans des SMAC, tu peux justement toucher un public plus varié.

Amédée : J'ai toujours ce rêve - je pense c'est naïf - de me dire que jouer dans une salle plus institutionnelle, cela permet à certaines personnes, allant dans cette salle pour voir la tête d'affiche, de nous découvrir. Après, quand on reviendra dans la même ville pour jouer dans un petit lieu alternatif, ils viendront nous voir et découvriront ce monde-là. Ensuite, forcément ils vont devenir anti-capitalistes et adhérer aux Soulèvements de la Terre. Et c'est comme ça que, grâce à Balladur, le monde va changer.