Dossier

Goûte Mes Mix #96 : Moli del Tro

par Jeff, le 13 décembre 2022

Tracklist: 

  1. Héron Cendré - 4-2
  2. Blak Saagan - Saltano Le Pecorelle
  3. Naomie Klaus - Harem Motel
  4. Front de Cadeaux - There Is Something Wrong
  5. Dj Oil - Drop Out
  6. Telomante - Fuerte pero sin prisa (extrait)
  7. Christophe Clébard - Ce soir, ce soir
  8. Maria Violenza - Moisissure (fast version)
  9. Sophie du Palais - Up To No Good
  10. Chris Imler - Country Club
  11. Telomante - Danza eterna sobre el cielo
  12. Jean-Luc Fafchamps – Chrysanthemum Haradjani (DJ Spooky That Subliminal Kid)
  13. Los Mohanes - Cumbia Moribunda
  14. BergSonist - Middle Ouest
  15. Alto Fuero - 02 (live)
  16. Céline Gillain - Wealthy Humans
  17. Héron Cendré - 4-4

Après des années à faire voyager ses soirées Actionnaires entre Paris et Bruxelles, Gilles Vanneste a souhaité passer à autre chose. Pas au point de croix ou au curling, non. Cette autre chose se nomme Moli del Tro. C'est un label mais pas que. Et il y retrouve Laurence Creyf, avec qui il forme La souris et l'éléphant. Enfin, formait. Car Moli del Tro, c'est l'occasion pour la paire basée à Bruxelles de faire table rase du passé, sans pour autant se départir d'une saine obsession pour la musique délicieusement oblique. Il fallait bien un mix et une grosse interview pour y voir plus clair.

Peux-tu revenir pour nous sur la genèse de Moli del Tro ?

Gilles : Moli del Tro, c'est le nom d’une propriété familiale située à Javea, entre Valence et Alicante. C’est un havre de paix, un lieu isolé propice à la création. En plein confinement, en 2020 et 2021 j’y ai passé plusieurs séjours avec des amis durant lesquels nous avons organisé pas mal de fêtes, notamment avec la complicité des labels valenciens Abstrakce et B.F.E Records. Et, comme tu le sais, à l’époque le monde était à l’arrêt, particulièrement dans le secteur de la musique. Tout le monde était calfeutré chez soi, coincé par des mesures sanitaires drastiques. Je te passe les détails, mais ces fêtes étaient un vrai bol d’air dans ce monde carcéral, et pas mal d’artistes ont fait le déplacement de Bruxelles, Paris, Berlin, Valence ou Barcelone pour passer du bon temps et venir jouer à Moli del Tro. C’était dingue quand on y pense.

Laurence : Quand on a décidé de franchir le pas et de monter un label, on a fait une liste kilométrique de noms sans vraiment tomber sur le dénominateur. commun. C’est lors du séjour suivant au Moli del Tro, qui signifie “moulin du tonnerre” en valencien, en passant devant le nom gravé dans la pierre du porche d’entrée, que c’est apparu comme une évidence; c’était le nom du label. Un nom qui, à l’instar du lieu, incarnait ces ondes positives, de création, de rencontres, de collaborations transversales.

Pourquoi avoir sabordé Les Actionnaires, un concept identifiable et qui semblait plutôt bien fonctionner ?

Gilles : Alors déjà le nom « Actionnaires », je n’en pouvais plus. Ça correspondait à un concept précis au moment où j’ai créé ces soirées il y a 10 ans, mais il y a eu du mouvement depuis. Notamment ma collaboration avec Laurence et un univers musical qui s’est élargi. Bref c’était une survivance qui me dérangeait. Ensuite j’avais besoin de passer à autre chose. Une manière d’être actif différemment dans le secteur musical, quelque chose qui correspond plus à mon âge peut-être. J’organise des concerts, soirées et festivals depuis 15 ans, à Bruxelles et à Paris. De ces manifestations restent beaucoup de souvenirs, un mur plein de dédicaces dans l’appartement de Laurence qui hébergeait tous les artistes et surtout un réseau très riche de personnes et de projets avec qui, au fil des ans, nous avons créé des relations privilégiées, voire intimes. Le format éphémère des soirées devenait frustrant, on a eu envie de coucher tout ça sur un support, d’écrire une histoire en quelque sorte.  Il fallait faire Tabula rasa.

Laurence : On en a profité pour faire pareil avec La souris et l’éléphant, le nom de notre duo de dj. « On a tout cassé » comme dirait Christophe Clébard.

Avec Moli del Tro, l’objectif est-il de combler un vide – sur un marché ou dans votre bucket list personnelle ?

Gilles : Combler mon vide existentiel, certainement ! (rires). On n’a pas la prétention de combler un vide. C’est surtout un contexte dans lequel on se sent bien et qui laisse place à une certaine utopie. Plus égoïstement, ça pimente nos jours et nos nuits, c’est plutôt un hobby qu’un plan de carrière.

Laurence : Notre bucket list est infinie. Nous sommes deux enthousiastes et deux curieux. La création d’un label a toujours existé dans un coin de notre tête mais va savoir pourquoi, on s’y est attelé seulement maintenant.

Musicalement, où avez-vous choisi de placer le curseur avec Moli del Tro ?

Laurence : on ne se met pas de limite mais disons qu’on suit l’identité musicale créée au fil du temps avec nos diverses rencontres et les soirées Actionnaires notamment. De façon générale, quelque chose qui évolue entre musique expérimentale, électro minimaliste, électroacoustique, tribale ou ce qui est défini par ce mot très à la mode, « pop déviante ».  Ce qui ne nous empêche pas de sortir bientôt un album de cumbia.

Gilles : Différents styles bien sûr, mais qui s’inscrivent aussi dans des micro-histoires agencées par des liens, un peu comme sur ces tableaux dans les enquêtes criminelles avec des points reliés les uns aux autres par des punaises et du fil rouge. J’imagine que beaucoup de labels fonctionnent comme ça. 

Laurence : C’est un fan inconditionnel de Faites entrer l’accusé qui le dit!

Gilles : J’avoue. Je suis insomniaque et seules les histoires de crimes les plus sordides me permettent de trouver le sommeil.

Moli del Tro a l’étiquette de label. Mais on a l’impression que vous voulez être bien plus que cela ?

Gilles : C’est vrai que le label n’est que la suite logique de notre engagement et un support supplémentaire à ce qui a déjà été créé au long de toutes ces années. On ne s’est jamais arrêté à simplement organiser ou produire des concerts, on est devenu une espèce de petite plateforme qui fait à peu près tout pour l’accompagnement des artistes - booker, manager, hébergeur et psy. Mais de façon amicale bien sûr, ce n’était pas un job fort heureusement.

Laurence : Je ne sais pas si on veut être plus qu’un label, mais ce qui est certain c’est qu’on a sans doute une vision pour ce label; très managériale voire familiale.

Gilles : Je n’y avais pas pensé, mais tu as raison et c’est sans doute pour ça qu’on a tout réuni sous le nom “Moli del Tro” et abandonné les concepts identifiables dont tu parlais plus haut. En effet ce n’est pas qu’un label, c’est aussi une maison, un duo de dj et des organisateurs de soirées. Peut-être bientôt une pizzeria ou un club échangiste, qui sait ?

Monter sa propre structure en 2022, est-ce que cela ne relève pas de la pure folie quand on connaît un peu le contexte actuel ? 

Gilles : Il n’y a pas qu’en 2022. On a toujours fait comme ça, sans trop regarder et en suivant nos envies. Si on regarde comment fonctionne le monde et qu’on calcule les risques, on ne fait rien. Faire quoi que ce soit dans la musique peut sembler fou aujourd’hui, mais bon, on fait quoi alors? On a une approche plus sensuelle que pragmatique, on a l’habitude de la débrouille, on trouve toujours des solutions et on s’adapte quoi qu’il arrive. Et puis on a l’objectif de bien travailler les différentes possibilités: subsides, publishing etc.
On fonctionne de manière artisanale, on n’a quasi pas de coûts fixes, on a déjà un bon réseau de diffusion et, malgré les apparences, on a la tête sur les épaules, en tout cas Laurence…

Qu’avez-vous de prévu dans un avenir plus ou moins proche ?

Gilles : On vient de sortir l’album 3-4 de Héron Cendré, c’est le deuxième après A Story Of A Global Disease de Naomie Klaus, en collab avec Teenage Menopause et B.F.E. Records. Plusieurs sorties vinyle sont également prévues : un LP de Telomante, un de la bande des Valenciens qu’on a évoquée plus haut, suivi d’un album de cumbia déglinguée, le prochain EP de Chris Imler, une K7 de l’artiste libanaise Nâr et enfin le second album de Naomie Klaus toujours en collaboration avec Teenage Menopause. Ça c'était pour l’actualité, mais d’autres projets qu’on ne peut pas encore dévoiler sont en cours de formalisation. Indices dans le set qui accompagne cette interview...

Niveau events, on est ce 14/12 à Petit bain, à Paris, pour le début du Héron Cendré tour à l'invitation d'Arandel. Le jour de la demi-finale France / Maroc donc. Inutile de dire qu’on s’attend au sold out.
Et puis ce 17/12 on sera au Lac à Bruxelles pour notre toute première release party pour l’album de Héron Cendré, avec Naomie Klaus, Clyde Arcalis en dj set et notre invitée, la plasticienne Aline Bouvy pour une performance sonore.

https://molideltro.bandcamp.com/