Dossier

Goûte Mes Mix # 24 : Lugano Fell

par Tibo, le 16 décembre 2012

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Tracklist

  1. Max-Pol Fouchet - La Stéréophonie
  2. Xenakis - Atrées (3eme partie)
  3. Slivius Leopold Weiss - Musette
  4. Ernö Király - Perpetuum Mobile
  5. Lugano Fell - Vinyl extra track
  6. Unknown - Chanson d'Amour de la sud de la Moravie
  7. Gracham Moncurr III - Space Spy
  8. Henry Purcell - Sonata 10'
  9. Esther Lamandier - Che ti Çove
  10. Pierre Boulez - Et cadavre dans le panier

All vinyl records transcribed in room 502, Hotel Central, Bastia 4/11/12. Using Nomark JT01 modified turntable, Boss DSD2 Pedal, Korg KP2, Behringer Xenyx 1002B, Yamaha Pocketrax C24.

Il parait toujours étrange de devoir commencer un papier par une critique négative. Pourtant, on doit vous dire qu’on n’a jamais trop apprécié la musique de Swayzak. Ou du moins, on l’a tout au plus respectée comme celle d’un duo de légende – ce qui n’est malheureusement pas mieux. Trop 90’s, trop dans les grandes ficelles, trop évasif : cette musique de club ne nous a proprement jamais parlé. Toutefois, on aurait eu tort de réserver le même jugement à la carrière solo de James Taylor, moitié de la formation anglaise. Peut-être parce que le virage amorcé depuis l’époque Swayzak nous fout le producteur à contre-sens de la techno qu’il avait l’habitude de produire, Lugano Fell pourra jouir de notre soutien tant qu’il sortira des disques de la trempe du récent Arcxicon.

Bien plus proche de compositeurs comme Stephan Mathieu, Leyland Kirby ou Tim Hecker que des vieilleries tech-house au kilomètre, la musique électronique de Lugano Fell se fait drone, mélancolique, abrasive et rêveuse. Montée sur un style de composition redevenu à la mode, la musique se conçoit dans le loop-digging de vieux vinyls oubliés. Une musique classique qui se vieillit encore un peu plus par les montagnes de nappes grésillantes qui recouvrent entièrement ces flux de cordes. Un amour pour le hasard dans l’inertie, dans les musiques de cycle, qui tranche pas mal avec la composition binaire du défunt duo : « Le hasard est très important pour ce projet, le fait de travailler avec un système qui permet de se distancier de l’ordinateur, permettant de travailler à l’oreille, sans véritable plan. J’aime cette idée de m’imposer des limites pour trouver de nouveaux moyens pour rendre mon travail intéressant. Mon idée n’était pas de casser les codes de la musique binaire, simplement de couper mon ordinateur pour mieux travailler sur de vieux équipements. »

Et les neuf titres de ce Arcxicon fonctionnent plutôt bien dans cette veine « hauntologiste » de l’ambient. Une énorme propension pour le spleen baudelairien, un travail sans relâche de distanciation entre l’objet et la pensée et une mise en avant de la joie d’être triste. La sélection que nous propose l’Anglais va dans ce sens : propositions électro-acoustiques, poésie des matériaux, puis une merveille de mise en abîme « hauntology », ou les sentiments douloureux et la mélancolie sont omniprésents. Un cœur absolument magnifique qui rivalise avec ce que le genre a pu produire de meilleur, à commencer par l’œuvre pilier de Leyland Kirby - Sadly, The Future Is No Longer What It WasChroniques. Une sélection qui vous demandera du temps, peut-être un peu d’indulgence pour les néophytes, mais qui se révèlera comme un de vos meilleurs compagnons en ces temps de fin du monde.