Concert

Spot On Denmark: Iceage

Ancienne Belgique, le 30 novembre 2011
par Jeff, le 2 décembre 2011

Pendant que partout ailleurs, l’Europe n’a plus que les mots « récession » et « austérité » à la bouche, on semble plutôt bien vivre cette période trouble au Danemark. Et tandis que dans les budgets des Etats européens les moins bien lotis (à peu près tout le monde, quoi), la culture risque de figurer parmi les premières victimes de la crise, les institutions culturelles danoises ne regardent pas à la dépense. Ainsi, c’est à l’initiative de ROSA (The Danish Rock Council), le festival SPOT et MXD (Music Export Denmark), qu’on a pu assister ce mercredi dans une AB Box peu garnie et en grande partie composée d’invités aux concerts de trois groupes pour ainsi dire inconnus au bataillon et à la prestation de l’une des hype de ces derniers mois : les jeunes punks d’Iceage. Retour détaillé sur les différentes prestations.

19h – 19h40 / Giana Factory

Il fallait se dépêcher pour ne pas rater le concert de ces trois demoiselles. Pas de bol : une grosse journée au boulot et un repas pourtant pris sur le pouce nous font arriver en plein milieu de la prestation d’un groupe à la tête duquel on retrouve la jolie Loui Foo, soeur de Sharon Foo de The Ravonettes. Et si les donzelles empruntent bien à leurs illustres compatriotes quelques guitares un brin bruyantes, celles-ci participent surtout à créer une ambiance plus vaporeuse que mordante, dominée par les synthétiseurs. L’impression est d’autant meilleure que nous arrivons en plein « Rainbow Girl », fabuleuse ode à la noirceur dont le refrain hypnotique vous colle rapidement à la peau. C’est aussi le moment fort d’un concert pour le reste un peu plus plat. Bref, on sait maintenant ce qu’il reste à faire à Giana Factory : nous pondre dix titres du niveau de « Rainbow Girl » et l’affaire sera pliée.

20h – 20h45 / Vinnie Who

Le « Prince of Disco ». Voilà le pseudonyme plutôt flatteur que la presse attribuerait à Niels Bagge, alias Vinnie Who, dans son Danemark natal. Si l’on a souvent tendance à se méfier de ces surnoms flagorneurs estampillés par une presse en manque de punchlines, on entame ce concert de la troupe (8 musiciens au total) sans le moindre préjugé. Pour rapidement tomber sous le charme. Pour faire simple, le groupe est une mélange à parts égales de Hercules & Love Affair, les Scissor Sisters et The Whitest Boy Alive. Vous l’aurez compris, Vinnie Who a du groove à revendre mais ne se prive pas de jouer les mécènes sur scène. Bien aidé par un groupe dont l’entente parfaite est rapidement évidente, le gamin à la voix de fausset ne ménage pas ses efforts pour éveiller un public bien sage et un peu coincé du cul. D’ailleurs, Vinnie Who se sent obligé de s’excuser, « because it’s too early ». Il n’empêche, malgré une tendance à un peu trop flirter avec le mainstream et la pop préfabriquée (surtout présente sur disque), le groupe est également capable de faire monter la sauce et de provoquer des déhanchements difficilement répréhensibles. Mission accomplie donc, pour la vraie bonne surprise de la soirée qu'il nous tarde quand même de revoir dans un club surchauffé, sur le coup de deux heures du matin avec une quinzaine de binouzes dans le buffet.

21h – 21h45 / F.U.K.T.

Après la pop noire et le disco à paillettes, vous prendrez bien un peu de dubstep abrasif ? Y’a pas à dire, les programmateurs de ce Spot On Denmark n’avaient pas peur de l’indigestion.  Mais comme à GMD, on ne crache jamais sur un peu de dubstep et que le groupe a la particularité de se produire en live avec un bassiste et un batteur dont la démonstration de force est assez comparable à un John Stanier dans Battles, on n’a pas perdu une minute du concert des quatre Danois. Si le teaser de leur nouvel album pouvait laisser penser qu’on allait se prendre du son qui tache en mode « mon Transformer digère mal son kebab de la veille », la réalité fut tout autre sur scène. En fait, ce qui aura fait la force de cette prestation, c’est sa variété : entamant le set par quelques plages de dubstep immersif aux infrabasses du meilleur goût, le groupe a lentement cherché à chauffer son public avant la partie « wobble qui te fracture la mâchoire ». Et là, même si une fois de plus le public a fait preuve d’une incroyable frilosité à l’exception d’une bande de Danois complètement beurrés, le groupe n’a pas ménagé ses efforts, en terminant sa course sur quelques envolée drum’n’bass bien caloriques. A redécouvrir sur disque, assurément. 

22h05 – 22h25 / Iceage

Mais alors qu’on se réjouissait déjà d’avoir découvert trois bons groupes en une seule et même soirée, on en aurait presque oublié qu’on avait principalement fait le déplacement pour voir de quel bois se chauffaient les quatre gamins de Iceage, adoubés par Pitchfork et actuellement au sommet de la hype avec leur post-punk un peu bravache mais carrément dévastateur. Mais voilà, quand on n'a même pas la vingtaine, qu’on a la blogosphère à ses pieds mais encore de la crotte au nez et qu’on parcourt les routes du globe sans papa et maman, les chances que ça parte en sucette et vire en beuverie permanente sont forcément un peu plus élevées. Et clairement, dès l’entame du concert, le constat est clair : les gamins d’Iceage sont ronds comme des queues de pelle et ne donnent pas vraiment l’impression d’un groupe super heureux d’être là. En même temps, vu la piètre qualité du spectacle, le public le lui rend bien. Dès l’inaugural « White Rune », déjà difficilement reconnaissable, on comprend vite que ce concert d’Iceage va relever de la fumisterie vaguement punk et arty. Et c’est clair qu’en vingt bonnes minutes (enfin, bonnes, façon de parler) d’un concert arrêté prématurément « because we have a new guitar player, and that’s all he knows », les gamins danois ont fait étalage d’une incapacité flagrante à être à la hauteur de leur réputation discographique. Certes, il y a bien quelques personnes qui semblent avoir adoré ça, mais nous suspectons ces énergumènes d’être les mêmes Danois beurrés qui ont dansé sur le dubstep de FUKT comme si ce truc venait d’être inventé 10 minutes plus tôt – ce qui en dit long sur la beauté et la fluidité de leurs mouvements.