Concert

Bat For Lashes

Paris, Le Bataclan, le 27 mai 2009
par Splinter, le 3 juin 2009

Portée par le beau succès de l'excellent Two Suns, son second album paru il y a quelques semaines seulement, la belle Natasha Kahn, alias Bat For Lashes, pouvait sereinement envisager de remplir la grande salle du Bataclan (Paris) pour sa troisième visite dans la capitale française, après le petit Trabendo en octobre 2007 et l'immense Bercy en juin 2008 en première partie de Radiohead - le groupe de Thom Yorke n'ayant d'ailleurs pas été étranger à la vague déclenchée par l'Anglo-Pakistanaise, en la faisant connaître et apprécier à un public que l'on sait absolument massif. Forte en particulier de "Daniel", ce single extraordinaire, dansant et fédérateur, la brune n'avait qu'à assurer un service minimum pour remporter l'adhésion d'une assistance venue en nombre, la salle du boulevard Voltaire étant quasiment comble ce soir. Et pourtant, le show, loin d'être le dernier d'une longue tournée qui passera notamment par les festivals d'été, fut l'occasion pour Miss Kahn de sortir le grand jeu.

Plus que séduisante dans une combinaison zébrée qui n'aurait pas déplu au Freddie Mercury de la grande époque, pieds nus sur scène, la magicienne au corps peinturluré avait de quoi faire avec ses deux albums remplis de titres sublimes, des morceaux calmes à l'ambiance ésotérique comme "Peace of Mind" ou "The Wizard", autant que des chansons bondissantes permettant au public de se lâcher, comme pour se libérer de la torpeur saisissante d'un Bataclan-sauna - un travers de la salle malheureusement déjà constaté à plusieurs reprises, par exemple avec Travis ou les Cold War Kids (à quand une ventilation digne de ce nom ?). Dans cette seconde catégorie, celle qui permet de dresser un parallèle entre Bat For Lashes et IAMX, "Daniel" aurait bien pu ne pas figurer compte tenu de la version "lo-fi"  un brin décevante, il faut bien le dire, qui nous aura été livrée de prime abord, rappelant d'ailleurs certains morceaux squelettiques de Radiohead période Kid A / Amnesiac. Heureusement, "Pearl's Dream", "Sarah" et, bien entendu, l'inusable et exceptionnelle "What's a Girl to Do?", point d'orgue du spectacle, ont parfaitement rempli leur fonction en suscitant un enthousiasme généralisé dans l'assistance, déclenchant des sourires de bonheur sur les visages rougis par le jeu de lumière autant que par la chaleur ambiante - toujours elle.

Les musiciens aussi ont semblé un peu souffrir de la température, la grande prêtresse prenant bien soin pour sa part de s'essuyer délicatement le visage de manière à ne pas effacer son maquillage. Et, on l'oublie parfois, mais Bat For Lashes ne se résume pas à Natasha Kahn, en tout cas sur scène. Accompagnée en particulier d'une batteuse assez incroyable, au corps si frêle et pourtant prompte à taper sur ses fûts comme un Dave Grohl féminin, ainsi que d'une guitariste / percussionniste et d'un clavier très discret, la brune manquait toutefois de personnel, si l'on en juge par cette "Priscilla" amputée de ses battements de mains - une lacune que le public aura tenté maladroitement de pallier, jusqu'à en susciter un rire étouffé de la chanteuse. Cela dit, il faut reconnaître à Natasha Kahn cette volonté de ne pas reproduire sur scène ses morceaux dans des versions exactement conformes aux versions studio, même si c'est bien la version "big" de "Daniel", offerte en guise de second rappel, qui aura remporté tous les suffrages grâce à cette rythmique incroyable et aux petits sauts de cabri de la demoiselle au derrière bien rebondi.

Réussissant à distiller sur scène l'ambiance sombre et mystique de ses albums (ce que l'on avait déjà pu constater à Bercy l'an dernier, ce qui n'était pas un mince exploit), Natasha Kahn est aujourd'hui une véritable star qui porte ses concerts quasiment sur ses seules épaules, assurant le spectacle de ses petits pas de danse, parvenant à magnétiser une audience évidemment toute acquise à sa cause. C'est d'ailleurs avec un plaisir non dissimulé que l'on a quitté la salle ce soir, content de voir que nos prédictions étaient bonnes (9/10 pour Fur & Gold, 10/10 pour Two Suns, salle comble, spectacle excellent : on a eu le nez creux à Goûte Mes Disques, non ?). Un tel succès devrait assurer à Bat For Lashes de longues années d'or et de fourrure.