You're Dead!

Flying Lotus

Warp – 2014
par Aurélien, le 13 octobre 2014
4

C'est sans doute qu'on l'a trop attendu. Ou que l'on espère à chaque fois que Flying Lotus lâchera enfin un LP digne de ses redoutables prestations scéniques. Mais dans le fond, c'est probablement un peu de ces deux ingrédients qui font que You're Dead! a le goût de redite de trop: à l'heure où l'on aborde son cinquième album, il ne reste en effet plus grand chose de nos premières rencontres avec le natif de Los Angeles, lui qui incarnait jadis l'unique clone valable d'un J Dilla parti trop tôt. Cette lente mutation en monstre jazzy, elle ne doit pourtant pas grand chose au hasard: tout au long de sa lente évolution discographique, Steven Ellison n'a cessé de distiller une musique bien à lui, imprimant des grooves hip-hop reconnaissables entre mille et cristallisant lentement (mais sûrement) ce doigt d'expérimentation jazz jalousé. L'ennui, c'est que lorsque ce doigt se mute en main, et qu'elle va jusqu'à tirer la couverture en laissant la science du beat au pied du lit, on a bien du mal à ne pas se fâcher tout rouge. Soyons toutefois honnêtes, on constate que le producteur californien a atteint un degré de maturité tel qu'il peut désormais s'émanciper de ses samples et assumer un rôle de chef d'orchestre à la Herbie Hancock (qui apparaît d'ailleurs au casting) et on s'en félicite. Mais avec ce nouveau rejeton, FyLo se montre plus que jamais passéiste, sinon candide, dans sa manière de rivaliser avec le passif d'un genre qui avait déjà dit l'essentiel du temps de Bitches Brew ou Sextant

A bien des égards, You're Dead! loupe donc le coche, comme Cosmogramma avant lui: c'est un album inutilement compliqué, décousu, et dont la profondeur est plombée par un amas de pistes trop courtes. Mais il faut également reprocher un certain manque de sang neuf par rapport à un aîné plus direct, qu'on attribue ici à l'omniprésence du pote Thundercat et à ses cascades de basse qui font désormais tout sauf le beau temps dans la musique de Flying Lotus. Pour sauver cette laborieuse entreprise du naufrage, on peut heureusement compter sur les quelques collaborations vocales de l'album, qui (pour une fois) fonctionnent réellement bien, à l'instar de ce titre imparable avec Kendrick Lamar, ou de ce cameo court mais appréciable du sieur Snoop Dogg. De même, les quelques brefs passages où le beatmaker enfile sa tenue de MC en tant que Captain Murphy laissent entrevoir le meilleur pour son premier vrai album: bien qu'on l'imagine ghostwrité de toutes parts, l'album de son alias pourrait avoir le mordant sans l'expérimental, et Flying Lotus semble dorénavant davantage s'épanouir avec un micro à la main qu’embarrassé d'une MPC devenue trop lourde. Autant d'éléments qui nous font dire que malgré l'évidence du travail abattu et de la cohérence discographique dans laquelle ce cinquième opus s'inscrit, You're Dead! est désormais plus proche d'un "fly low" que d'un FlyLo, tant il se présente ici comme un album lourdaud et sans surprises. Voilà qui confirme les craintes qu'on vous exposait en fermeture de notre papier sur Until The Quiet Comes... Amer constat donc.

Le goût des autres :
7 Titus 6 Maxime