The Car

Arctic Monkeys

Domino – 2022
par Gwen, le 27 octobre 2022
4

Quinze ans après avoir émergé des abysses de MySpace, les Arctic Monkeys font désormais partie de ces rares créatures qui errent encore sur les terres calcinées du rock. Le genre de bestiole qui se réveille tous les quatre ans pour pondre un album, remplir les stades et se retirer aussitôt dans sa caverne sans que personne ne lui ait opposé de résistance. Belle prouesse. On se permet cependant de s’interroger au vu du déluge de superlatifs qui inonde la sortie de The Car. Si on était de mauvaise foi - ce qui n’est pas dans les habitudes de la maison —, on insinuerait que tout ce petit monde tend à s’aligner afin de sécuriser son pass presse lors de la prochaine tournée du groupe. La deuxième explication (la plus improbable, mais aussi la pire) serait que nous ayons attrapé des oreilles en mousse, devenant par la même occasion de moins en moins perméable au charisme d’Alex Turner.

On était pourtant parti l’esprit tranquille. "There'd Better Be A Mirrorball", le titre d’ouverture choisi également comme premier single, s’élance comme un fer vapeur sur de la soie. Ça mise sur l’élégance, ça engage la confiance. Après ça, on ne se rappelle plus très bien de ce qui se passe parce que notre coude a glissé et qu’on s’est tapé la tête contre le bar. Il y aura bien un sursaut au passage de "Sculptures Of Anything Goes" dont la noirceur synthétique fera une excellente bande originale pour un polar de qualité. Ensuite, retour chez Morphée. On s’attendait à ce que cette nouvelle fournée soit une prolongation de la précédente qui ne nous avait alors séduite qu’à moitié. On espérait secrètement que tous les aspects les moins excitants de celle-ci soient révisés à notre avantage. Pas de bol.

Pour notre peine, ce sera encore plus de violons, de roucoulades et de lumière tamisée. Bien sûr, tout cela est remarquablement bien produit par James Ford dont le travail d’orfèvre passera à la trappe une fois broyé par la sono de l'Accor Arena ou de la plaine de Werchter. De son côté, Alex Turner s’occupe toujours aussi bien de ses textes, mais ne semble plus chanter que pour lui - et aussi un peu pour sa meuf. Chaque inflexion est sous-pesée, chaque falsetto veut prouver au monde qu’il existe. Ce que le crooner a perdu en ironie, il l’a gagné en prétention. Et puis, où est donc planqué Matt Helders ? À notre grand regret, le mec aux quatorze bras se trouve ici reconverti en accompagnateur de prestige. Mais peut-être cela l’arrange-t-il de pouvoir s’enfiler des whiskys secs d’une main pendant qu’il claque une cymbale de l’autre...

The Car, c'est la musique qui tapisse l'ascenseur le plus luxueux du monde. Feutré, marbré, chromé, avec un groom tout propre qui hoche gracieusement de la tête quand tu le quittes au niveau du penthouse. Mais le sol a beau être couvert de paillettes, cela reste un ascenseur. Plus personne ne demande aux Arctic Monkeys de resservir une tranche de "Brianstorm" ou de "Do I Wanna Know". Ces morceaux-là sont gravés et s’ils nous manquent, il suffit de relancer le disque. On a déjà assisté à des retournements de situation plus incongrus et on ne reprochera donc jamais à un groupe d'élargir ses horizons, ni même de freiner l’allure. Cela dit, on connaît aussi des maisons de retraite à l'atmosphère plus chaotique.