Pearson Sound

Pearson Sound

Hessle Audio – 2015
par Simon, le 1 avril 2015
8

A l’époque où on l’a vu débarquer dans le microcosme dubstep (aux alentours de 2007), tout le monde riait de son blase et surtout, tout le monde se demandait comment un nobody comme Ramadanman pourrait titiller les monstres post-dubstep / dubstep-techno qu’étaient PinchAppleblim, Peverelist ou Shackleton. Fier d’appartenir à une deuxième vague insolente de jeunesse, David Kennedy a, comme ses compagnons d’infortune de l’époque (de Martyn à 2562, en passant par Untold ou Pangaea), tapé sans relâche de la production sur 12’’, et finalement installé un nouveau règne dans ce que la bass music, devenue européenne depuis peu, pouvait proposer de meilleur. Déjà en 2007, le divorce est consommé et Ramadanman, qui se dédoublera en Pearson Sound peu de temps après, apparaîtra alors vite comme l’élément perturbateur dans ce grand schisme. Une rupture si forte que les producteurs cités plus haut peuvent être considérés comme les fossoyeurs historiques du dubstep à papa.

Fini les codes à l’ancienne, la bass music abandonne sa lourdeur et sa rigidité pour se transcender dans l’agilité et l’hyper-dynamisme. Si les débuts sont parfois laborieux par leur excès de modernisme, cette génération ne se limitera plus à infuser cette musique dans de la techno et la house, mais la composera intégralement sur ces modèles. Loin du carcan uk funky qui se forme également à cette époque, Pearson Sound – du moins dans ses compositions – choisit une troisième voie qui sera celle du changement total de paradigme, quitte à troubler les dubheadz qui suivaient la scène depuis 2003-2004. Comme tout ce qui a pu être produit dans sa discographie, ce premier album mélange futurisme obsessionnel, tocs post-dubstep et minimalisme parfois rugueux. Un art consommé de se tirer une balle dans le pied, d’attiser la frustration avec un contenu qu’on voudrait chaque fois plus à notre goût, plus comme ci ou moins comme ça.

Une composition néanmoins superbe de par son rapport entre minimalisme, lourdeur, jeu sur les formes, simplicité structurelle et projection des images sonores. Un disque sombre, fruit d’un producteur isolé par trop de fuite en avant, qui ne se jouerait que dans des clubs vides. Et si on se laisse parfois aller à de la transe (littéralement, au sens de la musique trance), on se rend vite compte qu’il n’y a personne autour de nous pour nous suivre ce samedi soir. Pearson Sound est un disque dont la violence (bien réelle) vient de sa capacité à n’inviter personne sur la piste, à conscientiser la bass music en club plutôt qu’à l’incarner réellement. Une sorte de mirage total, qui s’inscrit magnifiquement bien dans ce que renvoie la scène depuis huit ans. Un disque qui fait peur par la terreur de son humanité, omniprésente derrière les multiples tentatives de travestissement. Une autre forme de guerre, et surtout un disque-balise comme le genre n’en a que trop rarement produit.

Le goût des autres :