Palberta5000

Palberta

Wharf Cat Records – 2021
par Nikolaï, le 1 février 2021
8

Premier constat : le revival post-punk est à bout de souffle et commence sérieusement à tourner en rond en s'auto-paluchant. Deuxième constat : le nouvel album du trio new-yorkais Palberta vient de sortir et fait taire les cyniques comme moi. Tant qu'une poignée d'irréductibles musiciennes comme Lily Konigsberg, Nina Ryser et Ani Ivry-Block résisteront encore et toujours à la facilité du post-punk consensuel, ce courant évitera d'avoir une odeur moribonde.

Palberta5000 est le cinquième album d'un groupe rodé et présent sur le circuit D.I.Y. et underground américain depuis quasiment dix ans. Adeptes d'un rock expérimental, elles font des chansons anarchiques et épileptiques - comprenez un nombre incalculable de changements de tempo en une minute top chrono - leur marque de fabrique. Mais gare à ne pas prendre leurs compositions pour un ramassis foutraque d'accords et d'idées jetés au petit bonheur la chance. Derrière la nervosité et la cacophonie apparentes se cachent de délicieuses mélodies à dompter. C'est de l'art-rock biberonné au Trout Mask Replica de Captain Beefheart, en somme.

Enregistré en l'espace de quatre jours et avec le défi supplémentaire de ne pas dépasser les trois prises par titre, Palberta5000 voit le groupe évoluer vers une formule plus pop. N'allons pas jusqu'à dire que le trio effectue un virage vers une musique conventionnelle, ça reste de la pop sous crack qui n'a rien perdu de son étrangeté et de son goût pour l'expérimentation. Cependant, l'intention du disque est clairement affichée dès les premières secondes : rendre Palberta légèrement (beaucoup ?) plus accessible. Ça se traduit notamment par des chansons comme "Big Bad Want" ou "Hey!" (BANGER post-punk de début d'année) ; comptant parmi les plus accrocheuses et entraînantes de leur discographie. Les arrangements donnent également un rendu éclatant de finesse, à mille lieues du chaos noisy des débuts. Il suffit d'écouter "Before I Got Here" et son final majestueux à base de cortège de trompettes pour comprendre que oui, c'est la grande forme pour les New-Yorkaises.

Il est essentiel aussi de vanter le travail sur les harmonies vocales. Jamais le groupe n'a aussi bien sonné que sur "Corner Store" ou encore "The Way That You Do". C'est accessoirement la preuve qu'en plus d'évoluer en tant que musiciennes, les trois Américaines ont de plus en plus d'aisance à utiliser le chant comme arme de destruction massive sur les cœurs des plus endurcis. Elles fredonnent d'ailleurs des chansons d'amour ("Summer Sun"), des hymnes à la gloire du petit-déjeuner ("Eggs n'Bac") ou des animaux ("Red Antz" et "The Cow"). Rien n'est trop banal ou pas assez important à leurs yeux et cordes vocales.

En quatre jours seulement, Palberta a réinventé son empreinte sonore avec une décontraction ahurissante. Est-ce vraiment étonnant de la part de trois meilleures amies en symbiose totale ? Regardez-moi cette pochette, merde. Elles se permettent même d'échanger leurs instruments d'un titre à l'autre - en studio comme en live. Loin d'être un gimmick prétentieux, cette habitude régulière atteste qu'il y a de la rigueur sous le vernis de la déconne. En jouant avec les codes de plus en plus étriqués du post-punk et de la pop "traditionnelle" (important les guillemets), elles se font les ambassadrices d'un art-rock fun et surtout pas intellectualisé. 

"We haven’t strayed too far from who Palberta is, defiantly Palberta. And no one will shape us to be otherwise.” Qu'il en soit ainsi. J'approuve, je valide et je leur serre la pince.