Modeselektor Presents: Modeselektion Vol. 03

Modeselektor

Monkeytown Records – 2014
par Aurélien, le 1 août 2014
8

Le niveau honteusement élevé affiché par le second volume des Modeselektion aurait dû se suffire à lui-même. Ou tout du moins, il aurait pu: on voyait difficilement comment la petite entreprise des Teutons de Modeselektor allait une nouvelle fois concilier avec autant de pertinence diversité, qualité et publics émanant de différentes sphères électroniques. D'autant plus sur une compilation, exercice ô combien délicat. Ce défi, il est relevé avec une troisième Modeselektion qui choisi de s'étaler sur pas moins de deux disques, et de s'offrir pour satisfaire à ses ambitions un casting quatre étoiles. Pour mieux s'autoriser de grands écarts entre les genres bien sûr, mais surtout pour nous offrir un objet tout aussi passionnant et audacieux que son aîné.

Car le moins que l'on puisse dire, c'est que côté mixité ils se sont fait plaisir les deux de Modeselektor: tu n'aimes pas le piano et le falsetto Thom Yorke-sque de The Howling ? Hop, on t'envoie un Akkord avec une grosse basse en quatre dimensions pour te réveiller, juste avant de te donner un peu de fièvre krautrock de To Rococo Rot pour mieux que tu te prennes les pattes dans le tapis funky d'Onra. Le point commun entre ces quatre artistes ? Pas le moindre, sinon qu'ils sont moins connus que les habituelles têtes de gondole du label, que ce sont des architectes sonores de première bourre, et qu'ils imposent salement leur art. C'est à ce point haletant que même des titres qu'on n'imaginait pas écouter sur un profil Soundcloud passent ici comme une lettre à la poste – citons à cet effet les merveilleuses interventions de Robot Koch ou de Solar Year.

Cet art de la sélection qui fracasse, c'est aussi flairer ce que la jeunesse à a proposer de neuf. A ce sujet, le nouveau venu Alex Banks nous offre un truc ) mi-chemine entre le banger trance et la fièvre dancefloor d'un Benjamin Damage. Impossible aussi de ne pas toucher un mot du nouveau venu de chez LuckyMe, Cid Rim, qui nous envoie à la troncheune petite bombinette wonky tout en arpeggios bien nerd. La relève est assurée, mais les vieux ne se portent plus mal pour autant: Nosaj Thing n'a par exemple jamais aussi peu ressemblé à Nosaj Thing que sur son "Dy", le post-punk de The Fall vieillit comme un bon bourbon, et lorsqu'il s'agit de pousser les basses dans leurs derniers retranchements, on est toujours heureux de croiser sur notre chemin ces indémodables canailles de Schlachthofbronx ou de L-Vis 1990 pour faire pester les voisins du dessous.

En définitive, afin de mieux appréhender ce nouveau volume des Modeselektion, il apparaît indispensable de ne pas trop se fier à la pochette: si la mascotte du duo teuton est ici joliment grimée, c'est loin d'être la fête à tous les étages. On a plutôt le sentiment que l'éthique fiévreuse de Monkeytown cherche un peu à se faire oublier pour mieux convoquer l'imprévisible à mesure que les titres se révèlent. Les coups de mou demeurent pourtant extrêmement peu nombreux, tant et si bien que que lorsqu'on arrive à la conclusion du second disque – le père Omar Souleyman retapé par Modeselektor – on a la confirmation que les Allemands ont déniché la formule magique pour orienter la ligne directrice conquérante de leur label: ne pas avoir d'autre ligne directrice que de défendre ce qui les fait vibrer à fond, qu'ils soient dans la peau de DJ's ou d'auditeurs lambda. Pas con, en définitive.