MIEN

MIEN

Rocket Recordings – 2018
par Émile, le 4 juin 2018
7

Les supergroupes, c'est souvent la fausse bonne idée. Ça se rêve en Emerson, Lake & Palmer, et ça finit en Prophets of Rage. Mais on sait aussi, c'est la « jurisprudence SuperHeavy », que plus on s'attend à ce que des musiciens entrent dans ce genre de délire, moins c'est bon ; et l'inverse fonctionne tout aussi bien : moins on s'attend à ce que des types se mettent à jouer ensemble, plus ça produit quelque chose de pertinent. Alors, tout en n'oubliant pas que la version actuelle du rock psyché a probablement fait son temps, quand on a entendu parler de MIEN, on a succombé à l'envie d'écouter la version psyché de la famille recomposée.

Loin des réunions faites par des producteurs ou simplement en vue de faire une tournée bankable, les quatre membres de MIEN se sont lentement rapprochés autour de Rishi Dhir. En 2004, le leader du (très bon) groupe canadien Elephant Stone a rencontré Alex Mass, chanteur des Black Angels, lors du festival SXSW. En tournant ensemble plusieurs années après, alors que Dhir jouait de la basse pour le groupe de Mass, ils font la connaissance des membres de The Horrors, et plus particulièrement de Tom Furse, le batteur du groupe. Cette toile d'araignée amicale prend de l'importance et rajoute un autre ami de Rishi Dhir, John-Mark Lapham, membre du groupe de psych-pop The Earlies. Un supergroupe composé de musiciens aussi impliqués dans la pop ou le rock psychédélique, et qui met autant de temps à se monter, ça n'est pas gage de qualité, c'est certain, mais ça dénote d'une certaine prudence dans la réalisation et d'une volonté de faire les choses correctement, loin des préoccupations financières ou des histoires de notoriété.

Mais avec de tels membres, MIEN se présentait au public avec une grosse pression et se devait de produire un album original, chose de plus en plus rare dans le désormais vaste monde du rock psyché et du revival qu'il connaît. En lançant l'album, on avoue avoir eu peur de tomber sur une mauvaise version des Black Angels - qui malgré toutes ses qualités, n'est clairement pas le groupe le plus innovant dans un domaine qui l'est de moins en moins.

Et en toute honnêteté, on a été détrompé de cette crainte, morceau après morceau, en voyant la capacité de MIEN à produire de l'original sans jamais perdre de vue le côté pop qui marche si bien depuis l'explosion de Tame Impala et de la nébuleuse psyché il y a une dizaine d'années. Certes, l'album a les défauts de ses qualités: jouer avec des types aussi installés dans leurs groupes, c'est s'assurer d'une expérience indémontable dans la composition, la réalisation ou dans la partie tournée à venir, mais ça implique que certains passages ressemblent comme deux gouttes d'acid à des choses qu'on a déjà entendus dans ces mêmes groupes. Le single « Earth Moon » était presque inquiétant à ce niveau: les flûtes de The Earlies, la sitar et les tablas d'Elephant Stone et les mimiques vocales des Black Angels. On retrouvera cela plus amplifié encore dans « (I'm tired of) Western Shouting ».

Mais au final, plus l'album avance, plus on a l'impression que les quatre bonhommes ont réussi à trouver un son qui leur est propre, et contrairement à ce qu'on aurait pu penser, c'est dans la voie de l'expérimentation que cela s'est produit. Une tournure électronique expérimentale intervient par moments, que ce soit par des nappes de synthétiseurs ou carrément par des boucles bruitistes, comme dans l'excellent « You Dreamt ». On sent que le psychédélisme en action dans MIEN est moins celui du revival des 60's que celui qui tire directement son origine de la musique indienne pratiquée par Rishi Dhir, et c'est une des grandes forces de l'album.

De certains morceaux qui pourraient devenir des classiques de la pop actuelle, comme « Odessey », à des sonorités ambient comme « Other », ou à des joyaux de psychédélie comme « Hocus Pocus » ou « Ropes », la spectre technique de MIEN est large, et la panoplie d'outils qu'ils utilisent pour parvenir à déceler l'originalité de leur musique est proposée d'une manière extrêmement ludique. On prend un plaisir fou à écouter l'album parce qu'il nous donne cette bouffée d'air frais qui nous fait croire en l'impensable: et si le rock psyché pouvait se réinventer?