Held

Holy Other

Tri Angle – 2012
par Aurélien, le 24 septembre 2012
8

C'est un réel soulagement que de constater qu'il n'aura pas fallu que quelques mois pour que le mystérieux Holy Other se décide à transformer l'essai après un With U EP qui avait fait sensation, bien planqué entre Zomby et Burial dans notre top EP de l'an dernier. Fidèle à l'éthique de Tri Angle, notre fournisseur officiel de witch-house, le luron développe une galette à mi-chemin entre l'EP et l'album avec trente-cinq minutes au compteur seulement. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il ne déçoit pas, puisque Held ressemble à une excitante virée nocturne en Cadillac qui se termine avec les poissons, la perception mise à mal par une encéphale mal irriguée. Un programme particulièrement alléchant donc.

Point ici de réel titre venant surplomber tous les autres: avec son cahier des charges halluciné qui fait la part belle aux basses grondantes façon Clams Casino, aux voix screwed up et aux kicks qui frappent aussi fort qu'une vague sur une côte rocheuse, Held est un album qui ne surprend pas mais qui s'articule avec une finesse rare. Comme sur l'EP qui l'a précédé, chaque morceau de cette plaque paraît insaisissable, incapable de camper sur ses positions. Et là où Burial trouve son salut dans de vertigineuses montées de fièvre technoïdes, Holy Other prend un malin plaisir à laisser errer ses compositions ectoplasmiques dans des tiroirs post-dubstep et juke fort bien sentis, si bien que Held se mue rapidement en un gigantesque manoir aux allures de club déserté, particulièrement propice aux partouzes entre âmes égarées. Et si son architecture révèle quelques légers signes d'hermétisme - allergiques aux antécédents du label s'abstenir - ce premier album du producteur mancunien se parcourt d'une seule traite, sans difficulté, et révèle au casque des trésors auditifs qui font voir le paysage derrière la vitre du bus tout en slow-motion, un faible sourire aux coin des lèvres et le cerveau comme tétanisé par les hallucinogènes sonores que délivre son intriguant géniteur. Et il faut avoir goûté aux deux ultimes titres de l'album pour y croire.

Au final, Held est si court et dans le même temps si intense qu'on à la ferme impression que prolonger le voyage d'une piste ou deux ne saurait être qu'une dispensable gourmandise: empreint d'une cohérence et d'une maîtrise exemplaires, la première livraison de l'Anglais énonce en neuf titres tout ce qu'il y a a dire et ce, sans fioriture, excès ou superficialité. Tour à tour rêveur, aérien, et urbain sans jamais tomber dans la niaiserie dancefloor de gens aussi fréquentables que Sepalcure,  Holy Other nous touche, nous parle sans aucun détour et c'est probablement ce qui fait de lui le diamant brut sur lequel on a eu raison de miser l'an dernier.