Freedom

Amen Dunes

Sacred Bones Records – 2018
par Antoine M, le 16 avril 2018
8

En 2014, Amen Dunes nous laissait au bord du sentier sur un "Love" de huit minutes qui nous hante encore bien la calebasse. Trois ans se sont écoulés presque sans nouvelles, si ce n'est l'EP Cowboy Worship, appendice au travail titanesque de son aîné. « There was just too much to say for one record », et à la réécoute de Love, on ne pourrait réfuter cette implacable sentence.

Les fidèles d'Amen Dunes savent combien Damon McMahon a le pouvoir d'habiter la moindre seconde de ses disques. Et ce dernier beau bébé n'échappe pas à la règle. Freedom est un disque où rien ne dépasse mais tout se passe. Une petite autoroute des vacances comme pourrait en pondre un War On Drugs. Sauf qu'ici, Amen Dunes parvient à se maintenir en sixième. Pas de syndrome bis repetita type Beach House à l'horizon: si on se situe à nouveau dans un bon bain chaud, on se détache manifestement de Love sur la forme. Exit les folles odyssées psyché, ici ça transpire le bitume et la bonne vieille folk ricaine à papa.

Trop long (50 minutes de folk en 2018, on en est là non?), trop classique peut-être, Freedom s'annonce déjà comme la petite perle new-yorkaise que le (grand) public ne retiendra forcément pas. Avec ses airs de locomotive en mousse perdue au milieu de champs de coton, ce cinquième album symbolise un songwriting d'un autre temps, discret, immédiat mais jamais emphatique, cachant ses angoisses dans la forme du réconfort. Car Freedom possède bien sûr sa part de mysticisme, et un dark side plus gros que les boules de l'Atomium: « Time / So much time / Some other time / So much pain » entend-on sur "Time". Clairement, Damon McMahon n'est pas là pour nous pondre un tube de l'été. Sa voix coule comme l'Hudson, flot bavard qui convoque des images très variées - ça va d'un surfeur mythique de la côte ouest à un club de bikers hyperviolents en passant par Dracula. Autant de références qui lui permettent de s'épancher sur son passé, ses angoisses et sa vision de la Freedom, ce putain de savon noir qui nous file encore et toujours plus entre les doigts.

Freedom est un disque logé dans l'amertume des souvenirs - ceux de l'enfance, le disque d'une liberté perdue, révolue, à l'image de son intro triste à faire pleurer les pierres. On y entend un bambin parler à sa mère, « This is your time / Now go out there and take it ». Et cette dernière de lui répondre, « I don't have any ideas myself / I have a vacant mind ». Il s'annonce pas mal, l'été, avec un disque pareil dans les oreilles.