Form

Ruby My Dear

Ad Noiseam – 2013
par Simon, le 13 janvier 2014
8

L'année passée, nous avons commis une erreur des plus graves en ne vous parlant pas du premier album de Ruby My Dear. Un foirage de taille puisque Remains Of Shapes To Come résonne encore comme le meilleur ouvrage breakcore du précédent exercice. Il est d'ailleurs singulier de causer en ces termes d'un disque de breakcore, nous qui étions convaincus qu'on avait tout vécu avec ce genre, jusqu'à pouvoir en être quittes en 2013. C'est d'ailleurs le premier des coups de force de Julien Chastagnol, jeune producteur qui remet un peu d'ordre dans une musique dont l'actualité (ou plutôt l'absence d'actualité) s'apparente à un joli foutoir. Toujours sur Ad Noiseam (toujours au bon endroit et au bon moment), le Français s'impose lentement mais sûrement comme l'empereur d'une nouvelle scène breakcore, et plus largement, comme un des producteurs les plus habiles de son temps.

Il fallait être malin pour sortir ce coup de force, savoir faire appel au passé pour mieux se projeter dans l'avenir. Tirer le meilleur du hardcore et de l'héritage laissé par Venetian Snares pour mieux se tirer en douce dans une electronica classieuse. Plus encore que Remains Of Shapes To Come, Form transcende les canons (devenus un peu casse-burnes depuis) du breakcore en un schéma artistique plus à l'écoute de lui-même, plus conscient de sa trajectoire. Un disque qui va chercher son émotion plus loin, qui se torture dans le calme de mélodies soignées, et qui tranche avec plus de parcimonie. Ruby My Dear pourrait même avoir le profil du gendre idéal si son alias n'était pas aussi imprévisible, fou dans sa manière d'amener ses giclements avec soin et calcul. D'un truc electronica à faire couiner ta meuf, tu passes à de la décharge drum'n'bass classieuse jusqu'à la mutation du beat en terreur breakcore, bien aidé par de la grosse réminiscence acid, jungle ou dubstep.

Bref, Ruby My Dear apparaît comme très calme sur ce nouveau LP, qui montre un producteur en pleine possession de ses moyens, bien conscient des limites des genres qu'il affectionne. Une prise de conscience lourde de sens, mais qui est la clé pour mieux penser une musique que beaucoup renvoient à des images jaunies et qui avait bien besoin d'une transfusion d'urgence. Ce donneur universel, Ruby My Dear en endosse l'habit avec classe et humilité. Si seulement il pouvait servir d'exemple.

Le goût des autres :