falling or flying

Jorja Smith

FAMM – 2023
par Yoofat, le 26 octobre 2023
7

Jorja Smith est devenue une superstar de l'industrie musicale, mais n'a pas eu à entrer dans le moule des stars des 90's ou des 00's pour y parvenir. Plus besoin de jouer le jeu, d'avoir à affronter le stress de la grande ville ou de donner mille interviews à des journalistes qui ne s'intéressent que partiellement à l'album dans lequel vous avez mis votre cœur et vos tripes. Pourtant, après Lost & Found, premier album porté par l'incontournable « Blue lights », le monde avait un plan pour elle : on voulait de Jorja qu'elle soit sensuelle comme Sade, jazzy comme Amy Winehouse, street comme Rihanna et pop comme Adele. Ces attentes démesurées (et un tantinet incompréhensibles) n'ont certainement fait que renforcer l'envie de la native de Walsall de retourner là d'où elle vient, là où tout le monde se satisferait du fait qu'elle ne soit « que » Jorja Smith.

falling or flying promet, à l'inverse du premier album de la chanteuse, d'être un projet à conjuguer à la première personne du singulier. En effet, là où de nombreuses chansons de Lost & Found contenaient, de l'aveu de l'autrice, des émotions qui n'étaient pas nécessairement les siennes, ce deuxième opus se veut plus simple et spontané. En grande partie créé avec deux amies de longues dates (le duo de productrices DAMEDAME*), cet album ne s'embarrasse d'aucun ornement futile. Pas (ou peu) de performances vocales extraordinaires en somme, la voix de la chanteuse anglaise, toujours juste et bien incarnée, servira avant tout à synthétiser son esprit juvénile et quelques unes de ses pensées tortueuses les plus tenaces.

Rythmé par des ambiances musicales variées, du pop-rock à la house, falling or flying expose ainsi des émotions de manière très explicite : la joie un peu guillerette et insouciante sur « Little things », le désir primaire dans « Feelings » ou l'amour le plus pur dans « Greatest Gift ». La première partie d'album, très colorée, contraste assez fortement avec une deuxième partie moins enlevée, se voulant certainement plus réfléchie, comme si Jorja Smith se rendait soudainement compte que les années passent et qu'elle n'a pas toute la vie pour flâner et se tromper. En pleine quarterlife crisis, la jeune femme panse ses plaies en les narrant, de manière tragique sur « Broken is the man » ou avec plus de solennité sur « Too many times ». A l'instar de l'interminable dernière piste de l'album « What if my heart beats faster ? », cette deuxième partie d'album, plus scolaire que la première, vient compléter un album inégal, et semblant manquer de lâcher-prise. Petit à petit néanmoins, Jorja Smith impose son style et se faisant, se libère des attentes placées sur elles. C'est désormais ça, être une star : définir ses propres standards, et être à la hauteur de ceux-ci le moment venu.

Le goût des autres :