Eternal Hayden

PH

Svart Records – 2017
par Albin, le 8 juillet 2017
7

En 2017, les Finlandais de Mr. Peter Hayden sortent les ciseaux et s’offrent une nouvelle coupe, du genre bien dégagée derrière les oreilles. Première victime à faire les frais du travail de débroussaillage : le patronyme du groupe, désormais réduit à ses initiales PH. Un détail qui est tout sauf cosmétique, puisqu’il illustre la cure d’amaigrissement que PH a imposée à ses compositions.

Pour rester dans la métaphore capillaire, disons que si leur musique – un rock progressif brumeux, principalement instrumental - avait été une tignasse, jusqu’à ce nouvel album, ç’aurait plutôt été le genre de mèches qui tombent devant les yeux… même la bouche… même la bite… Des tifs tellement longs qu’on marcherait dessus. Les trois albums précédents couraient dans la catégorie des marathoniens. Faster Than Speed sorti en 2010 s’étendait sur deux morceaux de plus de 30 minutes ; deux ans plus tard, l’impeccable Born A Trip remettait le couvert et réussissait l’exploit de tenir l’auditeur en haleine sur un morceau unique de 1h08 (!!!) ; en 2014, Archdimension Now s’étalait pour sa part sur deux pistes qui totalisaient ensemble plus de deux heures.

On continue dans la surenchère ? Un album de quatre heures ? De trois jours ? De six semaines ? Pas du tout. Avec « Eternal Hayden », PH taille dans tout ce qui dépasse et n’en garde que 5 morceaux pour une facture finale qui reste sous la barre des 35 minutes. Un exploit. Que leur est-il donc arrivé ?

Evacuons d’emblée les explications fumeuses liées à la « quête spirituelle » ou « au retour vers le passé qui se conjugue au futur ». A lire entre les lignes du communiqué de presse, on comprend tout simplement que PH a mûri, digéré ses disques précédents que le groupe décrit volontiers comme un travail d’expérimentation, avant d’en livrer une synthèse ultime qui se concentrerait sur l’essentiel et fixerait le cadre des sorties à venir.

On se retrouve donc avec 5 morceaux, dont seule l’ouverture se la joue grand format (plus de 16 minutes pour le très introspectif « Looking back at Mr. Peter Hayden – les progueux savent manier l’ironie), le reste se situant entre 4 et 7 minutes. D’entrée de jeu, on remarque que les compositions s’assument plus aérées que sur les productions précédentes : le synthé s’affirme comme une pièce maîtresse du nouvel univers PH et tempère les grognements d’une guitare et d’une basse accordées outrageusement bas, accouplées à une batterie malmenée par un bûcheron. Finis les gimmicks rythmiques qui se répètent à l’infini : les morceaux s’installent rapidement, ce qui accentue encore plus le contraste entre les envolées spatiales des claviers et la lourdeur de la rythmique. Il est désormais question de collisions et de confrontations permanentes, d’invitations à l’évasion immédiatement réfrénées par les coups de massue. Pas le temps de décoller, les mandales te clouent immédiatement les deux pieds au sol.

Le tableau aurait pu être parfait : l’album est serré, riche, dense, compact. Peut-être un peu court même. Pour l’anecdote, le jour où je l’ai reçu, j’ai voulu mettre le deuxième disque sur la platine à la fin de la face B, avant de réaliser qu’il n’y en avait pas. Mais court, c’est mieux, surtout pour un genre qui avait pris la fâcheuse habitude de trop souvent jouer les prolongations. On se retrouve donc avec un album qui devrait enfin assurer aux Finlandais une place de choix à situer quelque part entre Ufomammut, Zombi ou Bongripper.

Le tableau aurait donc pu être parfait, mais il ne l’est pas. A force de vouloir diluer ses lourdeurs en usant des codes de la synth-wave, PH joue dangereusement avec une arme à double tranchant : le vocoder. Utilisées à petites doses, les voix synthétisées par les machines peuvent effectivement apporter une touche délicieusement rétro-futuriste. Mais sur « Eternal Hayden », PH a parfois la main un peu lourde et on en arrive à regretter çà et là la pollution des vocalises robotiques. Dommage parce que, dans l’ensemble, l’exercice est vraiment intéressant et a le mérite de dénoter sur une scène prog-doom-instrumentale qui se contente souvent de recycler les sempiternelles mêmes recettes.