Elvis Perkins in Dearland

Elvis Perkins in Dearland

XL Recordings – 2009
par Jeff, le 2 mai 2009
9

S'il y a bien un truc qui m'exaspère au plus haut point, ce sont ces disques qui commencent sur les chapeaux de roues pour se dégonfler aussi sec telle une minable baudruche. Dans des genres diamétralement opposés, les dernières réalisations de Roots Manuva et Locksley sont de bien tristes exemples, et donc des albums à fuir comme la peste. A l'inverse, ce qui me réjouit avec Elvis Perkins, c'est que le bonhomme est plutôt du genre à mettre tout le monde d'accord en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Mais ce qui fait de l'Américain un artiste exceptionnel, c'est évidemment cette capacité à maintenir le cap tout au long de ses réalisations. Et Elvis Perkins in Dearland, comme son prédécesseur, n'échappe pas à la règle.

Il y a deux ans, le rejeton de feu Anthony Perkins débarquait sur la pointe des pieds avec Ash Wednesday, album d'une beauté renversante qui s'ouvrait sur la ballade décharnée "While You Were Sleeping" pour ensuite continuer sur sa lancée et faire montre d'une sensibilité folk à fleur de peau évoquant le meilleur de Bright Eyes ou de Rufus Wainwright. Pour son retour, pour le moins attendu, Elvis Perkins reprend finalement (et fort heureusement) les choses là où il les avait laissées… et là où il nous avait abandonnés, c'est-à-dire au bord d'une route déserte du fin fond des États-Unis où l'immense solitude nous fait ressasser jusqu'à l'écœurement nos peurs, nos échecs et nos peines.

Ash Wednesday nous dévoilait en toute retenue et sans pathos écœurant l'âme tourmentée d'un Elvis Perkins que la vie n'a pas épargné (pour rappel, un père mort du SIDA et une mère dont l'avion s'est écrasé dans le WTC le 11 septembre 2001). Sur Elvis Perkins In Dearland, on retrouve un homme qui semble avoir fait son deuil mais n'a pas ou plus besoin de ce désespoir pour composer. Ainsi, ce second opus démarre par une ballade enjouée dont on ne sait finalement trop si elle doit nous remonter le moral ou le saper. Magnifique en ce sens qu'il combine lenteur déprimante de la mélodie et chant empreint d'optimisme, "Shampoo" atteint instantanément des sommets émotionnels qu'Elvis Perkins se refuse ensuite de quitter. Ainsi, capable de porter à lui seul ses compositions (poignant et lancinant "How's Forever Been Baby" clôturant l'album) ou de laisser un groupe tout acquis à sa cause donner le ton ("Hey" ou "Doomsday"), Elvis Perkins franchit avec une facilité déconcertante et dans un foisonnement d'arrangements jamais excessifs ou dispensables un nouveau palier dans sa jeune carrière.

Capable de jouer la carte de l'introspection touchante comme de célébrer la vie, Elvis Perkins in Dearland est à l'évidence un disque qui s'impose déjà comme l'un des immanquables de 2009, à classer religieusement à côté des galettes d'Animal Collective, The Phantom Band ou Antony & the Johnsons. "You are worth your weight in gold, You are worth your weight in sorrow" nous dit l'homme sur "Shampoo". Il ne croit pas si bien dire: les artistes de cette valeur, capable de parer la tristesse de si beaux apparats, ne sont pas légion. De l'or en barre ce disque. 

Le goût des autres :
8 Nicolas