Eleor

Dominique A

Cinq7 – 2015
par Maxime, le 14 avril 2015
7

Dominique A est un cas à part dans la chanson française actuelle: héritier de Bashung, il a comme son aîné une appétence particulière pour l'expérimentation et l'exploration de nouveaux cieux musicaux, donnant une couleur bien particulière à chacun de ses albums. Ainsi et pour ne parler que des moins anciens, qui ont vue Monsieur Ané passer de l'ombre d'une certaine indifférence du public à la lumière officielle des Victoires de la musique, L'Horizon (2006) est un album ample et cuivré, son successeur bicéphale La Musique / La Matière (2009) un retour aux sources électronique et aux boites à rythmes, tandis que le plus récent Vers les lueurs (2012) a été composé avec un quintette à vents.

On attendait donc avec curiosité de savoir quelle serait la nouvelle direction empruntée par le Nantais sur son dixième album. S'il est moins orchestré que Vers les lueurs, Eleor est néanmoins un disque qui, musicalement, ne marque pas la rupture. On retrouve d'ailleurs nombre de thématiques déjà explorées par le passé: l'évasion, au fil de pistes où sont évoquées cap et océans, où l'on se rêve au Canada ou en Oklahoma; ou encore l'eau sous toute ses formes. On aurait volontiers signé dans ce registre pour un nouveau morceau de bravoure du calibre du "Commerce de l'eau" ou de "L'Horizon", mais si le très beau "L'Océan" ne démérite pas il reste comme tout le disque un ton en dessous des climax passés.

Ceci étant dit, Dominique A nous démontre une nouvelle fois avec Eleor qu'il est un auteur d'exception: rares sont les artistes français qui aujourd'hui savent comme lui exprimer en aussi peu de mots autant de sentiments en demi-teintes dans lesquels l'auditeur se projette dès la première écoute. Ainsi, le premier extrait de l'album ("Au-revoir mon amour") est, dans la lignée de "Ce geste absent" ou "Immortels", l'une de ces chansons qui éclairent et enveloppent d'une lumière douce, un instant de grâce dont on ne peut rapidement plus se passer.

Il n'y a pas à dire, Eleor est une belle femme: on prend plaisir à la regarder, à l'écouter parler, mais l'âge l'a rendue moins audacieuse. Elle ne voyage plus tout en se prenant parfois à penser à de lointaines destinations. Certes elle est un peu diaphane, mais l'on désire encore esquisser un pas de danse avec elle, puis lui donner le bras pour qu'elle nous accompagne sur le chemin le long de la falaise, le temps d'une balade apaisée.