Discodeine

Discodeine

Dirty – 2011
par Serge, le 8 mars 2011
6

Discodeine, tout est dans le nom. Disco, la musique de danse des connaisseurs. Codéine, le sirop qui abrutit. C'est presque trop beau pour être vrai, une véritable perche tendue aux vannes faciles, mais c'est bel et bien là le pitch de cet album partagé entre tubes dancefloors aussi racés qu'efficaces et morceaux plombés, voulus dark et filmiques, en fait plutôt ennuyeux.

On ne peut toutefois pas raisonnablement parler de plantage artistique, encore moins de wtf de compétition, ni de remplissage entre les tubes. Cet album est pensé, très, trop: voulu cinématographique, sombre, mystérieux, voire opressant, il doit être un trip ponctué d'éclaircies dansantes et de chansons douces et pop. Un scénario connu, en fait, puisque l'on retrouve ici à l'oeuvre cette vieille manie qu'ont beaucoup de producteurs de musiques électroniques de toujours vouloir distiller de l'Art dans l'entertainment, désirer ouvrir les esprits non contents de bouger les culs, tendre vers la pop quand on estime avoir fait le tour du manuel d'utilisation de la machine à fabriquer le beat. Montrer d'où l'on vient aussi, ouvrir grand ses bagages. Est-ce bien? Est-ce mal? Est-ce immensément prétentieux ou la base même d'une saine démarche humaine avant même d'être artistique? Peut-on réellement leur en vouloir? On voudrait t'y voir, toi, le scribouillard!

Ce débat là est sans fin, éventuellement même tremplin à la barbarie médiévale et aussi beaucoup trop tributaire des goûts de chacun pour que l'on s'y laisse enliser en espérant dégotter de l'objectivité sous le tapis de bombes. Disons donc ce qui est, à la première personne: moi, j'aime bien les tubes, quand Discodeine assure un max. L'italo rigolote avec Matias Aguyao, les tracks d'acid un peu martiale même si accompagnée de choeurs bizarres et surtout "Synchronize", où le duo parisien (Pentile et Pilooski pour ne pas les nommer) fait pousser la chansonnette à Jarvis Cocker sur de la balearic house du plus bel effet. Plutôt bancal aux premières écoutes, ce track-là est une véritable boucherie sur les pistes, rappelant en plus aux fans les plus (this is) hardcore de Pulp une période bénie de la discographie du groupe (le début des années 90 et l'album Separations) où loin de la britcouille qui les rendit célèbres 5 ans plus tard, les Britanniques tentaient déjà le crossover ultime entre cynisme pop et acid-house naïve. Discodeine, pour moi, c'est ça: du goût, des références, du savoir-faire, du savoir-plaire, premier degré pas plus et l'assurance d'une guinche réussie. Le reste, la prise de tête, le soundtrack ambitieux, c'est faces B.

Evidemment, le reste, plus tortueux, bizarre et fignolé, c'est ce qui va vraiment distinguer à terme le groupe de sa concurrence (Bo'tox notamment) et c'est donc aussi là qu'il peut se montrer le plus passionnant. A la première personne, une fois de plus, j'ai toutefois envie de laisser cet aspect là aux nerds, aux musiciens, aux professionnels de la profession, aux bloggeurs de 40 ans et à tous les habitués de la Villette Sonique. Sans la moindre rancune, hein. Une simple question d'habitude de consommation plus que de chronique, qu'on disait. C'est qu'un quaalude plutôt qu'une cuillerée de sirop pour la toux, j'ai choisi mon bord, mon menu, et ce sera donc essentiellement disco.

Le goût des autres :