Council Skies

Noel Gallagher's High Flying Birds

Sour Mash Records – 2023
par Nico P, le 13 juin 2023
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Et ce qui devait arriver arriva. Des années après la fin de son groupe et des décennies désormais après ce qu’il conviendra de nommer son moment plutôt que son époque, Noel Gallagher est devenu ce qu’il détestait, ce qu’il moquait, et ce que son frère, lui, n’a jamais cessé de conspuer. Oui, ce qui devait arriver arriva, et ce qui arriva nous arrivera à toutes et à tous, mortels et normaux. Noel Gallagher est devenu vieux. Et il radote.

D’aucuns diront que cela ne date pas d’hier, qu’Oasis, déjà, c’était le même album, avec un emballage différent. Admettons, quand bien même cela serait tout à la fois faux et malhonnête, et surtout, réducteur, tant la musique du groupe ne peut être dissociée d’un pays tout entier, d’une poignée de mois ayant marqué les années, de quelques chansons, certes, mais bande originale de nos vies, qu’on le veuille ou non, et pour l’éternité. Noel Gallagher radote donc, et ce n’est finalement pas bien grave. Il est largement accepté que la pop et le rock ont obtenu le droit de ne se nourrir que d’eux-mêmes. Le problème, c’est qu’il bafouille aussi.

Pour le dire simplement : l’inspiration s’est totalement tarie, et ce qu’il nous est donné à entendre ne sonne ni plus ni moins comme des chutes de studio de chutes de studio. “Pretty Boy” n’est pas grand chose d’autre qu’une variation médiocre d’un “It’s a Beautiful World” déjà fort embarrassant, tandis que “Easy Now” sonne comme une version anesthésiée d’un “I Wanna Live In A Dream In My Record Machine”, chanson abandonnée d’Oasis et déjà recyclée pour le premier album solo du monsieur. Pire (enfin, peut-être, sans doute) : longtemps moqué pour sa voix plaintive, bien loin de la hargne, de la grandeur franchement sale gosse de son petit frère Liam, Noel avait un temps réussi à imposer un chant bien plus inspiré (et les chansons qui vont avec). On pense ici à “The Importance Of Being Idle”, et dans une moindre mesure à “Falling Down”. Mais l’inspiration s’en est allée en même temps que la motivation, et au micro, Noel Gallagher n’a jamais sonné aussi poussif, maladroit. Faux.

Il serait facile ici de s’en prendre à l’artiste, affirmant que finalement, il n’a jamais été autre chose qu’un recycleur. Vous pourriez même, si le cœur vous en dit, vous en prendre à l’auteur de ces lignes, forcément aigri, mais grand fan d’Oasis, ce que la note ne le laisse pas forcément deviner. Mais ce n’est la faute de personne. C’est le temps qui passe, qui détruit tout; c’est le grand cirque du rock’n’roll, celui qui voit les Who à 70 ans passés chanter “My Generation”, et Noel Gallagher, hier désireux d’imposer le retraite aux anciennes gloires FM, devenir lui-même l’artiste qui n’enregistre que pour tourner, qui ne tourne que pour exister, et qui, compte tenu des questions posées ces dernières semaines et ne portant que sur le groupe formé avec son frère, doit bien être obligé de regarder dans le rétroviseur et de s’interroger. Ou ferait bien de le faire.