Clay Class

Prinzhorn Dance School

DFA – 2012
par Laurent, le 30 janvier 2012
7

Il n'y a pas à tortiller: une batterie, une guitare et une basse saupoudrés d'une double voix masculine -féminine à l'accent bien british, c'est quand même diablement efficace. Primaire, mais efficace. D'où notre affection pour Prinzhorn Dance School. Prinzhorn Dance School est un duo, formé de Tobin « Prinz » et de Suzi « Horn ». Le nom du groupe et les pseudos des deux protagonistes s'inspirent du docteur allemand Hans Prinzhorn, psychiatre et historien de l'art connu pour un ouvrage paru en 1923 sur l'art chez les malades mentaux (« Bildnerei der Geisteskranken : ein Beitrag zur Psychologie und Psychopathologie der Gestaltung » pour ceux que ça tente). Le groupe a une autre particularité: ses deux membres sont écolo, tendance "si tu ne recycles pas, je t'éclate la gueule". Sans rire, ils ont convaincu leur label d'inclure dans le contrat que tout le matériel CD doit être issu de filières du recyclage.

A ce propos, on ne parle pas de n'importe quel label puisque c'est DFA records , structure créée et gérée par James Murphy, qui les héberge depuis leur premier opus éponyme en 2008. Cette écurie leur permet, nonchalamment, de classer leur musique dans la catégorie « pour danser », tout comme le laisse entendre le nom du groupe. Mais c'est un peu plus compliqué que cela. Ce qui sûr, leur musique ne laisse pas indifférent. A tel point qu'à la sortie du premier album, ils ont été autant adulés que détestés. Certains leur reprochent la facilité, pour ne pas dire leur foutage de gueule intégral. Leur musique, basique à première écoute, pourrait en effet induire en erreur. Ici tout est pensé, repensé, rien n'est acquis. Le duo est très minutieux, pour ne pas dire maniaco-perfectionniste, et déclare mettre plusieurs jours à arranger la pièce dans laquelle ils vont enregistrer des titres. Car la paire n'aime pas la facilité, justement. Amateurs du DIY poussé à son paroxysme, elle conçoit l'art comme le résultat d'accouchements difficiles, rarement de hasards heureux. De plus, Tobin et Suzi aiment composer/enregistrer/produire dans des lieux pas du tout prévus à cet effet, comme des églises ou des usines. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? 

Elle joue de la basse, lui de la guitare, et les refrains, chantés – ou gueulés – en chœur, prennent la forme d'un dialogue militaire qui se greffe sur des combinaisons de batterie pas très élaborées mais entraînantes. Ce mélange aigre-doux sert des titres ras-le-sol, assez primaires à première vue mais en fin de compte plutôt complexes, qui attirent l'oreille, même distraite. Et c'est probablement là la qualité première du duo: pas de fanfreluches mais une masturbation cérébrale à vif, pour un résultat tout à fait surprenant, pour ne pas dire honorable. On ne le répétera jamais assez, le travail est long et fastidieux alors que l'écoute pourrait faire croire à une partie de jambes en l'air improvisée.

Your Fire Has Gone Out fait forcément penser à Gang of Four, à The Fall et aux Stranglers, et pas seulement pour le phrasé crié consciencieusement sur une musique post-punk jouissive, mais aussi pour la basse, fil conducteur du disque. Dans leur ensemble, les titres évoquent une ribambelle de sons issus de l'underground des années 80. Ils évoquent même une version très freestyle, pour ne pas dire trash, des Ting Tings. Voilà pour les sons auxquels peut faire penser PDS, comparaison qui ferait bondir le duo tant il tient à vouloir incarner un genre nouveau, un son inédit. Pas gagné. Pour la petite histoire, le duo refuse même de dévoiler sa playlist préférée de peur qu'on y trouve des similitudes avec leur œuvre. Mouais. Au final, l'originalité, bien présente sur le premier opus, prend ici des airs plus conciliants. Le résultat sonne moins brouillon, plus abouti et plus épuré. Certains le regretteront probablement. Mais Your Fire Has Gone Out reste un bon album pour un duo qui se prend  mine de rien pour le sauveur du rock, si ce n'est de la musique.