Cave World

Viagra Boys

YEAR001 – 2022
par Jeff, le 25 juillet 2022
8

Il est bon d’observer comment la pandémie a influé sur le processus créatif de nombreux artistes dont le produit de la réflexion arrive aujourd’hui à nos oreilles. Si certains ont préféré rester silencieux, d’autres n’ont pas hésité à mettre cette période à profit pour se remettre en question, quitte à revoir radicalement leur modus operandi. Et puis il y ceux pour qui absolument rien n’a changé. C’est le cas des punks suédois des Viagra Boys. À la seule différence que la version d’eux-mêmes qu’ils nous présentent en 2022 est la meilleure qu’il nous ait été donné de voir. 

Si leur précédent album a été mis en boîte avant le début de la pandémie (et libéré entre deux vagues de celle-ci), on peut imaginer que Cave World est né pendant cette drôle de période où l’on se demandait quand on reverrait un jour notre groupe préféré sur une scène. Un constat qui devait être d’autant plus déprimant pour une formation ayant bâti sa réputation sur le live. D’ailleurs, si ce n’est encore fait, prenez vos places pour cette tournée : dès les premières mesures, vous allez comprendre combien ces canailles avaient manqué au public, mais aussi (et surtout) combien le sentiment est réciproque.

Si les Viagra Boys ont toujours su faire de la scène leur atout séduction premier, cela ne devait pas cacher certaines lacunes plutôt évidentes sur disque. Car derrière les démonstrations de fun et les singles mieux torchés que le cul d’un nouveau-né (« Sports », « Shrimp Shack », « Research Chemicals »), on se demandait parfois si les Boys n’en venaient pas à considérer le songwriting comme un élément secondaire de la démarche, et le format album comme une chouette excuse pour repartir en tournée – une impression renforcée par l’énergie folle et communicative qu’ils déploient habituellement sur scène.

Ces doutes que l’on pouvait émettre sur la capacité du groupe à faire le boulot en studio, Sebastian Murphy et ses potes les empoignent, les piétinent et leur pissent à la raie sur Cave World. En effet, dès les premières mesures, motoriques à souhait, on comprend d’abord que le travail de contrition effectué par Sebastian Murphy sur Welfare Jazz est bel et bien terminé, et que le groupe dans son ensemble est décidé à tirer enfin profit de l’efficacité redoutable de cette formule pourtant si simple, à base de post-punk et de garage rock – ajoutez ci et là de la new wave, du blues ou du free jazz quand le saxophone d’Oskar Karls s’y met.

Sur fond d’histoires dépeignant l’absurdité du monde et la connerie abyssale de certaines personnes le peuplant (coucou les antivax et les conspirationnistes), Sebastian Murphy et les siens nous empoignent par le collier et nous jettent sur la banquette arrière d’un van qui roule à tombeau ouvert sur l’autoroute du fun. C’est très simple : de « Baby Criminal » à « Ain’t No Thief » en passant par « Punk Rock Loser », les Viagra Boys nous pondent des titres qui vont tous devenir des incontournables de leur catalogue. En surchauffe permanente pendant ces 40 minutes de folle bamboche, les Suédois concrétisent enfin tout le potentiel entrevu dès Street Worms en 2018 : le meilleur groupe de rock du monde en 2022, c’est peut-être bien eux. Et vu l’intensité avec laquelle ils traversent cette folle période, autant en profiter tant qu’il en est encore temps, car ils ne tiendront pas éternellement à ce rythme-là.