Cascading Misery

Ritual Mass

20 Buck Spin – 2025
par Simon, le 11 décembre 2025
7

Dans un monde qui est globalement rempli de belles choses, il est toujours inspirant de voir que chaque élément qui le compose, métaphysique ou non, possède sa version négative. Un équivalent au moins aussi total qui joue sa vie de jumeau maléfique avec une intensité qui n'est pas moindre que sa version solaire. Le blanc a le noir, le courage a l'abandon et la sérénité a l'angoisse. Et cela vaut pour toute chose. Croyez-en l'ancien dépressif nihiliste que j'ai longtemps été, pour avoir été des deux côtés de la pièce, ces deux pendants se nourrissent pourtant toujours de la même substance, si éloignés qu'ils peuvent être dans leur implication mentale. Dans un grand mouvement de balancier, les choses penchent plus ou moins en faveur d'un extrême ou l'autre, avec en point de mire cette figure totale presque christique du choix entre l'amour et la haine. Partout, tout le temps, pour l'intégralité de ce qui fait notre environnement, qu'on le quantifie ou non matériellement. Plus un trait est forcé, plus son contraire perd en intensité. Dans un monde fini, plus il y a de l'un, moins il y a de l'autre.

Cascading Misery est un de ces extrêmes totaux. Il ne fonctionne que parce qu'il ne laisse aucune place à la lumière, à la compassion et à l'espoir. Par définition inversée, dans son expression la plus totale, il n'est qu'obscurité, cruauté et résignation. Un sous-monde death/doom qui ne se conçoit que comme un environnement infernal (au sens littéral du terme), suffocant et malveillant. Avec un héritage metal qui tient ses origines des codes de l'horreur mentale propre à la lignée Portalienne, Ritual Mass déploie son art sur des grands mouvements de composition qui tiennent toujours de la surcharge. A la fois extrêmement technique et en même temps monolitique dans son effet sur les corps, Cascading Misery est toujours dans un effet de masse, de volume et de résonance. Cette dualité entre tout ce qui se passe techniquement et l'effet colossal de vagues a une vertu quasiment psychédélique, créant une distance étourdissante entre le ressenti global et la somme des détails qui se jouent en temps réel. Les guitares deviennent des blocs, les mouvements s'articulent comme celui de plaques tectoniques avec une pesanteur insoutenable en fonction d'où on les observe. Si on pense évidemment à Phrenelith dans cette architecture death, Ritual Mass tient également beaucoup d'Altarage ou de Deinonychus dans son rapport à la chose démoniaque.

Une série de pièces lovecraftiennes où il n'y a absolument rien de positif, rien qui n'évoque pas en tous cas la misère de l'existence humaine. Cette misère, et l'horreur de son éternité, est bien incarnée par tout son attirail doom, acide et caverneux. Si on exclut le final assez lent de « Disquiet » - où les Américains ouvrent une porte funeral doom qui sera sans nul doute à creuser – cette lenteur qui permettrait l'introspection se refuse à elle-même et est ici jouée avec bien trop de rapidité, trop de méchanceté et de trop d'ignominie pour vouloir s'attarder dans ce paysage. Et pourtant, vous allez y aller, dans le froid de la pierre, la rugosité de l'acier, entreprendre cette trop longue marche vers la mort. Ce sera horrifique et vous aurez les yeux bien ouverts. Vous sentirez chaque seconde de cette procession infernale comme un couteau dans les côtes. L'avertissement à l'intérieur de l'album est clair : This album is intended to be experienced in total darkness at maximum volume. Terrifiant premier album.