Black Vladimir

Meyhem Lauren & Daringer

Black Truffle – 2022
par Jeff, le 14 septembre 2022
7

C’est l’une des belles surprises de cette fin d’été que l’on avait pas vue venir, car Meyhem Lauren comme Daringer ne sont pas habitués à occuper le devant de la scène. Bien qu’il soit actif depuis plus de 10 ans, le MC Meyhem Lauren est d’abord apparu sur les radars pour sa proximité avec Action Bronson quand celui-ci était au sommet du cool – au mitan des années 2010, époque Mr. Wonderful et Fuck That’s Delicious. Quant au producteur Daringer, il offre ses plus belles ogives à la famille Griselda – et avec des personnalités aussi envahissantes que celles de Westside Gunn ou Conway The Machine, on comprend qu’il ne reste plus des masses de place pour Daringer, quand bien même sa contribution à l’esthétique du crew est essentielle.

Autrement dit, il serait facile de reléguer Black Vladimir au rang des sorties de seconde zone, surtout que cette fin d’été aura été généreuse en moments très forts et très attendus – du Traumazine de Megan Thee Stallion au The Forever Story de JID en passant par le The Elephant Man’s Bone de Roc Marciano, il y en a vraiment eu pour tous les goûts. Un bref détour par Spotify nous confirme que ce disque trouve très péniblement son public dans un écosystème plus saturé que jamais, qui étouffe l’underground. Pourtant, à une époque où le boom bap qui prend racine dans le caniveau n’a jamais eu autant le vent en poupe, il serait regrettable de passer à côté de ce disque qui, au-delà de ses nombreuses qualités, consacre une association dont on n’imaginait pas qu’elle fonctionnerait aussi bien.

Mais ce serait oublier que c'est quand il est bien drivé que Meyhem Lauren est le plus efficace : on se souvient de son précédent album, où toutes les productions avaient été confiées à l’inoxydable DJ Muggs. Contrairement à un Gems From The Equinox dont la diversité et le psychédélisme pouvaient désarçonner, Black Vladimir joue la carte de la linéarité et de l'immédiateté, avec pour effet de rapidement placer Meyhem Lauren dans un fauteuil – dès le titre d’ouverture en fait, le pesant « Black Pinot » où, rejoint par un Action Bronson visiblement très heureux d’être là, il rappe comme aux plus belles heures du rap new-yorkais, pour un résultat qui n’est pas sans rappeler les excentricités de ce faux lent de Notorious BIG.

Reconnaissons-le quand même : Meyhem Lauren n’a pas le charisme et les cahiers de rimes de Biggie. Mais comme son flow accapare moins l’attention, cela permet à Daringer de montrer toute l’étendue de son talent, lui qui n’a besoin que d’une boucle en apparence anodine pour créer une atmosphère suffocante et bien « gritty ». Rapidement placée sur de bons rails, la paire joue sur ses forces et ne tente pas des acrobaties qu’elle serait incapable de réaliser. Des titres comme « Lavish Visions » ou « Valedictorians » en attestent :  à ne jamais péter plus haut que son cul, à rester dans le plaisir des choses simples, on y trouve vite notre compte. Attention, grower garanti.

Le goût des autres :