Bite The Burger

Dai Burger

First One Up – 2019
par Ludo, le 3 février 2020
6

La musique de Dai Burger a l’odeur d’un mets familier. Celui d’un rap théâtral, bigarré, flirtant avec le kitsch, et interprété par des personnages aux looks tous plus freak les uns que les autres. Amorcé véritablement à la fin des nineties avec Busta Rhymes, Missy Elliott ou Ludacris (mais aussi par Hype Williams et Dave Meyers, qui clippaient leurs meilleurs titres de l'époque), ce sous-genre fait encore parler de lui avec des artistes comme Aminé, Tierra Whack et Rico Nasty. Pour la petite histoire, Dai Burger (prononcez « Day ») a adopté ce sobriquet de fin gourmet en accolant le diminutif de son blaze (elle s’appelle Daineme Alexia Baldwin) et une conviction personnelle (« I like to think that I'm stacked, and juicy »). Cela permet déjà de cerner la folie douce du personnage et de la ranger directement dans la même catégorie que les rappeurs susmentionnés.

Touche-à-tout depuis la plus tendre enfance (elle fut notamment danseuse lors des tournées de Lil Mama), Dai Burger présente un tropisme certain pour l’éclectisme et la versatilité. C’est donc tout naturellement que ses productions hybrides mélangent un peu tout ce qu’elle trouve à son goût : house, eurodance, electro, R’n’B, pop, boom bap, trap d’un côté, chants autotunés, refrains catchys, mélodies bubblegums et voix de dessins animés de l’autre, tout est bon du moment que c’est équilibré et bien cuisiné.

Mais c’est avant tout son écriture qui fait toute sa singularité. Comme sa consœur Cupcakke, elle aime s'éclater de façon totalement décomplexée, et avec beaucoup d’humour, surtout lorsqu’elle donne dans l'ego trip (« Cook Book », « Salty », « Bite The Burger » et « Everything Suxx »). Dotée d’une grande force de caractère, elle sait aussi évoquer son irréductibilité face aux relations toxiques (« 5 Dubbz, « Miss Me », « Pics » et « Urz »), et n'oublie jamais sa fibre militante (“Burger be serving all of your needs/ P for pussy, P for power, P for pride and prestige » sur « Vitamin P »).

Certes, Bite the Burger n’est peut-être pas le meilleur projet de Dai Burger. Il est même dépourvu de titres pouvant rivaliser avec la force et l'efficacité de « Soufflé » ou « Where My Girls ». En ce sens, cet album semble surtout être celui d’une rappeuse bien dans son underground et qui estime n’avoir plus rien à prouver. Moins audacieuse qu’à l’époque des Mymixxxytape (2010), Raw Burger (2011) et In Ya' Mouf (2014), les trois mixtapes qui l’ont fait connaître, sa plume est aujourd'hui moins truculente et son personnage moins déjanté. À défaut de nous sortir le plat consistant que l'on attendant après toutes ces années, Dai Burger s’est contentée de nous livrer une nouvelle entrée, plutôt copieuse certes, mais pas forcément en phase avec nos attentes pour une rappeuse qui a tellement de choses pertinentes à dire dans une époque où la parole LGBTQI+ se libère. La promesse faite sur « Salty » (« It's a snack, it's an entrée, it's a whole damn meal ») n’est en cela pas totalement respectée.