Bestial Burden

Pharmakon

Sacred Bones – 2014
par Simon, le 13 novembre 2014
9

Si tous les disques qui nous passent entre les oreilles devraient être le prolongement sonore de ce que vivent leurs auteurs, certains d’entre eux sont de véritables tremblements de terre. Et certains disques ne plaisantent pas, mais alors pas du tout, avec l’état de leurs géniteurs. Il y a tout juste un an, Margaret Chardiet a failli crever. Son corps était en pleine révolution, avec une tumeur si énorme que l’organe sur lequel elle était fixée se déglinguait complètement. Sa tournée européenne fut alors annulée, histoire de commencer la lutte contre la maladie, pour finir par en guérir - même si l’état de cette guérison est une chose dont personne ne parle véritablement. Si on ne doute pas que la vie de cette new-yorkaise ait sensiblement changé suite à cette épisode, le traumatisme et la violence de l’expérience forment aujourd’hui le cœur de ce nouveau LP de Pharmakon. De manière frontale et totale. Bestial Burden ce n’est que ça: de la mort, de la douleur et de la frustration; de la décrépitude racontée sur claviers; de la noise-music hantée. Le message est clair, ce disque répond au « désir de montrer le corps comme une protubérance de peau et de cellules qui mute, qui te fait défaut et qui te trahit – cet aspect si banal, peu important et grotesque de nous-même ». Une demi-heure de drame, pendant laquelle Margaret Chardiet vomit tout ce qui fait son corps, avec une violence qui fait davantage mal au cœur qu’aux oreilles. Il y a des claviers power-electronics qui tournoient sur place, des percussions tribales plus ou moins fréquentes. Et surtout cette voix, souvent proche de ce qu’on a pu entendre de meilleur en black metal. Margaret Chardiet crie, vomit et pleure sans se soucier de la hauteur du bordel, respire difficilement dans son micro et fout littéralement ses organes sur la table de ton salon. Comme une version hardcore du premier album de Fuck Buttons mélangée avec une Fever Ray qui aurait perdu son père une demi-heure avant. Très vite, le malaise envahit la pièce, et on se rend compte qu’on ne sortira pas vraiment indemne d’une écoute attentive de Bestial Burden. Si cette dernière phrase est un artifice souvent utilisé par les chroniqueurs de tous bords pour attirer le chaland, ici on décerne à cette sortie le prix du disque le plus terrifiant entendu ces dernières années. Une expérience totale, chamanique, corporelle (forcément) qui ramène les thèmes de la mort, de la dégénérescence et de l’espoir au premier plan. Une fougue incroyable qui colle à la peau comme une maladie incurable, et qui nous fait sentir tous petits. Insignifiants même.