2014 Forest Hills Drive

J. Cole

Roc Nation – 2014
par Jeff, le 23 décembre 2014
9

Normalement, J. Cole devrait être une star, une vraie. Un mec qui pèse lourd dans le rap jeu, à la Kendrick Lamar. Vous nous direz que normalement, Goûte Mes Disques devrait être aussi populaire que Pitchfork, que Leonardo Di Caprio devrait déjà avoir quelques Oscars au dessus de sa cheminée et que le Standard de Liège devrait être en finale de la Champion’s League chaque année. Les aléas de la vie ma bonne dame. Mais quand on a le talent de J. Cole (qui produit aussi la plupart de ses titres) et que l’on a pour parrain un certain Jay-Z, se dire que le emcee inspire davantage la sympathie que le respect est un vrai déchirement. Alors c’est vrai, le natif de Caroline du Nord aligne plus de 4 millions de fans sur Facebook et son premier album en 2011 a bien fonctionné (grâce à ce genre de sucreries notamment), mais on ne peut s’empêcher de penser que le potentiel n’a jamais été pleinement exploité.

Jusqu’à ce 2014 Forest Hills Drive du moins. Car ici, c’est un rappeur visiblement libéré de toute pression qui se présente à nous, avec sous le bras un album dense et cohérent, qui laisse vraiment éclater un talent qu’on savait immense. En même temps, on sentait venir le claque. Déjà en août, J. Cole avait publié un titre d’une beauté désarmante dans lequel il affichait clairement ses intentions : « All I wanna do is take the chains off, man. All we wanna do is be free ». OK, "Be Free" a été écrit suite au meurtre du jeune Michael Brown à Ferguson mais on se doit de le considérer comme un tournant. Il ne restait plus à J. Cole qu’à avoir le courage de ses opinions et nous pondre ce 2014 Forest Hills Drive qui débarque sans publicité ni flonflons à une période où l’on se préoccupe surtout de savoir qui sera en tête des classements de fin d’année de FACT ou Stereogum.

Ce troisième album studio est d’autant plus surprenant qu’il est peut-être le disque le moins original que J. Cole nous ait livré à ce jour. On aimerait vous vanter la spécificité du flow ou l’originalité des productions, mais c’est dans la normalité que J. Cole excelle, dans ces productions léchées qui riment davantage avec boom bap qu'avec trap, dans ces histoires racontées avec simplicité, dans ces clins d'oeil aux grands du hip hop - comment ne pas penser au kilométrique "Last Call" de Kanye West quand on écoute "Note to Self", longue digression d'une petite quinzaine de minutes qui clôt le disque. Si on devait le comparer à l'un de ses pairs dont on a énormément parlé en 2014, on opterait pour le rookie Vince Staples, tant on trouve des similitudes stylistiques entre 2014 Forest Hills Drive et l'impeccable EP Hell Can't Wait. Après, si il reste encore à Vince Staples beaucoup de chemin à parcourir avant de peser aussi lourd que J. Cole, les deux hommes ont en tout cas la chance et l'insigne honneur d'avoir sorti deux disques qui figurent aisément parmi les sorties hip hop les plus solides et les plus agréablement surprenantes de 2014. Avec un petit bémol pour J. Cole: avec la plupart des classements de fin d'année bouclés, 2014 Forest Hills Drive risque d'être le grand perdant de ce genre d'exercice...

Le goût des autres :
7 Amaury L 9 Ruben