Concert

Les Ardentes

Liège, Parc Astrid, le 9 juillet 2009
par Jeff, le 20 juillet 2009

Aeroplane
Jour 3 / Aquarium / 20.30-22.00

La Belgique électronique est un fumeux débat. Les frères Dewaele et leurs projets Soulwax/2 Many Dj’s peuvent sans souci faire figure de têtes pensantes de la bonne morale électronique, au point de reléguer le reste du plat pays dans une sorte de figuration fantasmée. Car les connaisseurs ne s’y tromperont pas : The Glimmers (dont le nouveau projet, Disko Drunkards, justifie à nouveau tous nos éloges) et maintenant Aeroplane sont des joyaux qu’aucun clubber belge ne peut ignorer. Aeroplane joue maintenant à  Ibiza, Londres ou encore à Benicassim, mais c’est aux Ardentes que les deux larbins ont décidé de déposer leur flycase pour un set d’avance réussi. Il sera ici question d’une house délicatement groovy, rehaussée d’une pincée d’italo-disco ou de balearic (en témoignent les remixes ensoleillés du « We Are The People » d’Empire Of The Sun ou du « Kilometer » de Sébastien Tellier), de guitares « funkoïdes » délurées et d’ambiances aussi chaudes que légères. Le set d’Aeroplane est une bulle hors du temps qui réinvente l’art de jouer et de danser la house sur un nuage et jamais l’oreille n’a autant dansé sans se voir agressée. Coup de maître.

Dj Mehdi
Jour 3 / Aquarium / 22.00-23.30

En matière de musiques électroniques, les chroniqueurs de Goûte Mes Disques ont depuis longtemps choisi leur camp : après avoir éprouvé toutes les soirées hype où le gros son fait mouche sans sourciller, il est un temps où les nappes qui tâchent n’ont plus vraiment le même effet sur les cœurs. Mais la simple évocation du nom de Dj Mehdi nous a poussé à retourner dans la cage aux lions, là où les casquettes New Era et les ensembles fluos pleuvent de partout. Peut-être en raison de son passé de producteur hip-hop, à coup sûr pour sa maîtrise infaillible de l’art du mix, nul ne pouvait renier l’arrivée du Français de chez Ed Banger aux Ardentes. Comme un rituel maintes fois répété, notre joyeuse bande a pris soin de laisser sa pudeur aux vestiaires pour se manger une large tranche de la désormais classique French Touch 2.0. Quelques bières plus tard, l’atmosphère est déjà bouillante et les avalanches de nappes saturées s’abattent sur une véritable marée humaine, indéfectible à l’appel de l’hédonisme sauvage. Appelez ça comme vous le voudrez, Dj Mehdi possède cette présence et ce talent qui font de lui un indispensable des soirées branchées, un métronome sachant jauger le bon du mauvais (goût) pour proposer à chaque rencontre un set furibard sans jamais peser ses auditeurs, déjà pas mal entamés faut-il préciser. À l’heure actuelle, c’est un luxe dont bien peu peuvent se prévaloir.

Kool Shen & Friends
Jour 3 /¨Parc / 23.45-01.15

Alors que bon nombre de festivals où se produisait NTM cet été avaient décidé de trouver un remplaçant à la hauteur du sulfureux duo, les Ardentes, à l'instar des Solidays, ont préféré opter pour la solution "Kool Shen & Friends", se disant peut-être, comme bon nombre de festivaliers, qu'hormis hurler un nombre incalculable de "Faites du bruit" sortis d'outre-tombe et faire un peu de pub pour son B.O.S.S., Joey Starr ne servait plus trop à grand-chose. Pourtant, c'était se tromper lourdement. Certes, il n'est jamais facile pour un artiste de "recomposer" un groupe pour pallier la défection d'un de ses piliers, mais après 1h15 à peine de concert, les avis étaient unanimes: cette prestation-là fut tout sauf mémorable. Evidemment, l'avalanche de tubes annoncée a bien eu lieu (« Pass le oinj' », « Mais qu'est-ce qu'on attend », « Seine Saint Denis Style » et j'en passe) et le flow d'un Kool Shen au regard pour le moins enfumé était plus affûté que jamais, mais cela n'a pas empêché le concert de stagner. Et il n'est pas bien difficile de trouver une raison à cette contre-performance de taille: il manquait d'un mec sapé n'importe comment, scandant des vers incompréhensibles et beuglant à tout va. Mais à la place de Joey Starr, il a fallu se coltiner des MC de seconde zone (Jeff Le Nerf ou Papa Lu) dont la présence scénique n'a évidemment rien à voir avec celle du Jaguar Gorgone. Heureusement que cette troupe, rejointe alors par l'ineffable Lord Kossity, a eu la bonne idée de clôturer son set par un "Ma Benz" complètement dantesque et qui a provoqué une véritable onde de choc dans le public liégeois. Pour le reste, on repassera…

Skream / Benga / Caspa
Jour 3 / HF6 / 01.30-06.00

Voilà maintenant quelques années que l’organisation des Ardentes fait preuve d’une imagination sans pareille pour fournir aux fidèles une affiche collant au plus près de l’actualité. S’il fallait faire les pointilleux, nous serions impitoyables en dénonçant un genre jusque là absent, je veux bien sur parler du dubstep. Pour certains, il allait s’agir d’un premier contact avec la nouvelle bass music anglaise, quoi de plus rassurant donc  que de se laisser aller aux sons des deux pionniers londoniens, ceux la même qui ont donné au genre ses premières lettres de noblesses véritables ? Et il faut dire qu’avec une salle déjà bouillante, grâce notamment au set très calorique de Caspa (tête pensante d’un son maximal avec son collègue Rusko), Benga et Skream n’ont pas manqué à l’appel pour nous proposer une sélection à la fois pointue et terriblement groovy, concentré du meilleur d’hier et d’aujourd’hui. Les plus connaisseurs auront reconnu dans la sélection les increvables Joker, Distance ou encore le remix tubesque de Skream pour la princesse de la pop anglaise La Roux (« In For The Kill »). Mais l’important est que tout le monde s’y retrouve en cette terre difficilement assiégeable qu’est la bonne vieille Europe, raison pour laquelle ce set s’est révélé comme une pluie de tubes inattendue, alors qu’il est de coutume de les voir jouer des sets d’inconnus, remplis à ras bord de dubplates à peine pressées. Step Up !

Peter, Björn & John
Jour 4 / Parc / 17.20-18.10

Pauvres Peter Morén, Björn Yttling et John Eriksson, contraints de se démener comme des beaux diables devant un public mou du gland accordant autant d'importance à leur musique qu'au 349e album de Frank Michael, et interrompant ses discussions pour lâcher un « Ah tiens je la connais celle-là » quand, après 55 minutes d'un concert pourtant agréable, le synthé balance le sample de ce sifflotement imparable qui a ouvert les portes de la notoriété aux Suédois. En même temps, on peut comprendre qu'une foule s'attendant à une heure de pop instantanée en soit légèrement pour ses frais, notamment lorsqu'il s'aventure à jeter une oreille aux compositions du petit dernier du groupe, Living Thing, album exigeant de pop torturée, percussive et minimaliste. Piochant ainsi principalement dans Living Thing et l'inévitable Writer's Block, Peter, Björn & John a surtout donné la désagréable impression que ce groupe-là n'est pas fait pour ce succès-là, et qu'il y gagnerait tellement à poursuivre dans cette voie exigeante sur laquelle il s'est engagé, quitte à se mettre les moins regardants de ses fans à dos. Restera alors une bande d'irréductibles acharnés, devant qui le groupe pourra livrer une prestation brillante dans une salle ou un chapiteau aux dimensions un peu plus humaines.

Sharko
Jour 4 / HF6 / 19.30-20.30

Sharko, considéré à tort comme le trublion de la scène belge à une époque où il conversait sur scène avec sa chaussette, est en réalité une vraie bête de scène accompagnée d'un groupe tout acquis à la cause d'un pop rock dont la simplicité n'a d'égal que l'efficacité. Et devant un HF6 plein à craquer, le groupe de David Bartholomé nous a une nouvelle fois prouvé qu'en quatre albums parfois inégaux (notamment le petit dernier, Dance on the Beast), il est quand même parvenu à accoucher de suffisamment de singles imparables (« Excellent », « Sweet Protection », « Rise Up », « Motels », « Spotlite », ...) pour rendre vertes de jalousie certaines formations américaines ou anglaises qui font les beaux jours de la presse et sur lesquelles se baballent un peu trop de bobos barbus convaincus que rien de bon ne se fait chez nous. Une fois ce constat dressé et le groupe à la hauteur de mes dires, il ne lui restait plus grand chose à faire, si ce n'est de nous gratifier de l'une de ces prestations rondement menées et dont il a le secret.