The Girl Is Crying In Her Latte

Sparks

Island – 2023
par Eric, le 31 juillet 2023
8

Avant de quitter la scène de l’Ancienne Belgique l’an dernier, les frères Mael nous avaient promis de revenir vite, ayant mis à profit la pause mondiale pour déjà mettre en boite la suite de A Steady, Drip, Drip, Drip (2020). Moins d’un an plus tard déboule l’annonce que le duo californien retrouve le label anglais Island sur lequel il a commis pas moins de quatre albums entre 1974 et 1976, les classiques glam-pop Kimono My House et Propaganda en tête. Un bail donc. Cette annonce sous-entendrait que les Sparks effectuent là leur grand retour, boosté par la vidéo d’un premier extrait - « The Girl Is Crying In Her Latte » - mettant en scène une Cate Blanchett en roue libre, fan parmi les fans rencontrée à l’occasion de la cérémonie des Césars pour le sacre de leur film Annette.

Mais s’il faut vraiment parler d’un retour, c’est plus de celui de l’intérêt soudain du grand nombre pour le groupe – médias y compris, se rendant compte soudainement que Ron et Russel Mael n’avaient jamais cessé de sortir des albums. Et comble de tout, il se dirait même que la majorité est plus que recommandable, notamment ceux parus depuis les années 2000 dont l’immense Lil’Beethoven (2002) ou encore Hello Young Lovers (2006). Résultat, même à 151 ans à eux deux, les Sparks ne sillonnent pas encore le circuit de l’équivalent classic rock des tournées Age Tendre, mais pavanent dans des festivals comme le Primavera aux côtés d’une scène indie qui leur doit tant.

Et c’est donc plus dans cette continuité - celle d’un groupe toujours innovant dont la seule zone de confort est peut-être d’enregistrer à la maison - plutôt que dans l’idée d’un pur revival que nous étions une fois de plus ravis d’accueillir ce petit nouveau dans une discographie imposante, mais plus facile à apprivoiser qu’il n’y parait. Car depuis leurs débuts en 1971, qu’il soit pop, baroque, glam, disco, rock ou electro-dance, le ton Sparks rime envers et contre tout avec chansons.

Comme toujours, les mélodies sautent aux oreilles et ce petit truc unique – cocktail d’humour doux-amer et de vraie mélancolie – fait le reste dans chacun de ces quatorze titres. Petites vignettes n’ayant jamais l’air de rien, ces chroniques sparksiennes creusent à jamais ce même sillon : le monde va mal et pas mal d’entre nous aussi. Comme cette fille qui pleure dans son café donc, ou ce nouveau-né qui supplie sa mère de retourner là d’où il vient ("Nothing Is as Good as They Say It Is"). Au niveau de l’ambiance générale, s’il est coutume qu’aucun de leurs albums de ne se ressemblent jamais vraiment, on ressent le coup de fouet que leur a apporté Annette en matière d’arrangements ("Take Me For a Ride") et on peut tout de même ranger The Girl Is Crying In Her Latte aux côtés de Lil'Beethoven (pour le minimalisme au service d’une efficacité bluffante) ainsi que de leurs productions plus 80’s (« A Love Story »).

On envie les (toujours) trop nombreuses personnes qui un jour se plongeront dans le monde merveilleux des Sparks. Ils auront rendu le vrai monde, le moche, plus viable. Et clairement, on redoute un monde sans eux. Eux qui, jamais rancuniers là ou d'autres auraient jeté l'éponge depuis longtemps, assumant certainement que ce parcours sans faute va toucher à sa fin, préfèrent encore botter en touche avec le sourire et clôturer par ce « Gee That Was Fun », chanson de rupture pseudo burlesque qui en dit long quand on a appris à lire entre ces lignes toujours en mouvement de ces deux étincelles éternelles dans la nuit.

Le goût des autres :