NEW GEN

Various Artists

XL Recordings – 2017
par Jeff, le 13 février 2017
7

Si on est des consommateurs réguliers de grime, on n'a pas peur de confesser notre appartenance à la caste des "grimix" - pour ceux qui n'auraient pas chopé la référence à l'an de grâce 1998, le concept a été explicité dans notre chronique du Konnichiwa de Skepta. Ainsi, si on aime le genre pour les mutations qu'il connaît actuellement (on pense au travail de Visionist ou Mumdance) et si on est le premiers à se ruer sur un nouveau single de Wiley ou sur le dernier album de JME, on a conscience qu'on ne touche ici qu'à la partie visible de l'iceberg. En somme, c'est comme si on se prétendait connaisseurs de rap sans jamais aller faire un tour sur Datpiff histoire de prendre le véritable pouls de la scène.

Et en Angleterre, si on veut être les premiers informés de ce qui agite le grime, c'est sur GRM Daily qu'il faut être - GRM pour 'grime rap music'. Et autant vous prévenir des fois que vous envisageriez de vous plonger dans ce monde-là : c'est terriblement chronophage. Et si le temps libre est chez vous une denrée rare, alors il faut faire une confiance aveugle à une fille comme Caroline SM. À 22 ans à peine, la Londonienne a un CV qui va faire maigrir quelques jaloux : à la base membre de la team GRM Daily et en charge de ‘NextGenRadio’, chaîne consacrée aux artistes émergents tellement populaire qu'elle débouche aujourd'hui sur la compilation NEXT GEN, elle manage également quelques talents à la gnaque folle et a rejoint le mastodonte XL Recordings, où elle occupe un poste d'A&R. Un label qui pousse par ailleurs cette compilation et qui a une certaine légitimité pour le faire, puisqu'il a été à l'origine de la première percée mainstream du grime, avec les sorties des premiers albums de Dizzee Rascal (Boy in Da Corner) et Wiley (Threddin' On Thin Ice).

Pendant neuf mois et dans le plus grand secret ("No Snapchat allowed"), un studio londonien a servi d'incubateur, réunissant tout ce que la scène "urbaine" londonienne est censée compter de next big things. Et si on a choisi d'utiliser un terme un peu bâtard et maladroit pour décrire les artistes qui sont passés par là, c'est parce que les limiter au seul grime serait criminel et réducteur. Et, de toute façon, le grime, bien que partageant des liens de sang avec le dubstep, est avant toute une forme anglaise de hip-hop, dont les codes américains sont détournés, piratés, retravaillés. Cette volonté de faire quelque chose de tout à fait nouveau (ou, tout du moins, de tout à fait anglais) à partir de quelque chose de tout à fait américain, elle s'entend d'un bout à l'autre de NEW GEN, compilation qui laisse parler une fine équipe qui défend son attachement à l'Union Jack mais ne peut s'empêcher de kiffer Migos, Chance The Rapper et Young Thug.

Ce qui est certain, c'est que le travail de sélection qui a été fait en amont est impressionnant et que cette génération-là a des choses à raconter et de l'or entre les dents. Mais rien de tout cela n'aurait été possible si Caroline SM n'avait pas posé les bons choix, trouvé le juste équilibre et créé les bonnes conditions qui font de NEXT GEN bien plus qu'une simple vitrine : dans les studios Red Bull de Londres, une poignée de producteurs a travaillé inlassablement pour que tous les MC's de passage puissent s'exprimer sur une palette de productions qui résument bien l'Angleterre multiculturelle d'aujourd'hui, celle qui entretient des liens inévitables avec les États-Unis bien sûr, mais aussi avec les Caraïbes. On aimerait mettre en avant l'un ou l'autre talent, mais ce ne serait pas rendre justice à un disque qui doit s'apprécier sans penser aux individualités. Et ce serait aussi ôter la valeur ajoutée d'une initiative qui prend soin de ne mettre personne sous les projecteurs et d'être plus que la somme de ses parts. Après, si vous nous demandez de jouer les Dédé Manoukian du game, on vous dira bien qu'on mettrait bien quelques livres sterling sur Avelino, Kojey Radical ou la tigresse Ray Blk, mais c'est vraiment parce que vous nous avez forcé la main. 

Le goût des autres :
7 Amaury