NDMA

L.O.A.S

DFHDGB – 2015
par Aurélien, le 16 avril 2015
7

"Je n'ai rien à défendre, j'évacue mes glaires sur tes baskets blanches". Le moins que l'on puisse dire, c'est que L.O.A.S a su donner le ton dès les premiers échanges. Malgré la parenté capillaire qu'il partage avec Jésus, le Parisien n'a pas le profil d'un ange. Il serait même plutôt proche de l'anti-héros tant il ne ménage pas ses efforts pour paraître soit détestable, soit fou, soit les deux en même temps. Pourtant, on ressent toujours la même sympathie à l'égard de cette prose de trentenaire désenchanté qui avait contribué à élever bien au-dessus de la stratosphère sa collaboration avec Hyacinthe. Depuis repartis chacun de leur côté, les deux ne chôment pourtant pas. Le premier tease depuis décembre l'EP qui nous occupe tandis que le second, plus discret, n'a dévoilé son nouveau projet qu'au travers d'un double clip signé Kevin El-Amrani, entre amour et violence. La voie était donc libre pour L.O.A.S. Et c'est tant mieux.

D'emblée, on pénètre sur un terrain très accidenté où les punchlines défilent, sans s'inquiéter de la gêne qu'elles peuvent susciter. Plus que jamais à l'aise dans ce costume de misanthrope magnifique, L.O.A.S ne surprend pas (ou peu): on tient ici le défouloir vulgaire de la caution chevelue de DFHDGB. Résultat ? C'est souvent acide, parfois méchant, mais toujours avec ce sursaut de poésie qui se balade entre deux phases NSFW. Et puis c'est surtout jouissif. Et cela que le MC rappe en camisole ("Derrière Les Cyprès", "Les Lingots" avec Hyacinthe) ou qu'il choisisse de pousser la chansonnette sur de la pop façon Lana Del Rey ("Quand Tu M'Tueras").

Il aurait été cependant frustrant que notre serial killer préféré ne cherche pas à se mettre un tant soit peu dans la merde. Et ça tombe bien, car s'il peine pas mal à sortir de ses thèmes de prédilection, L.O.A.S porte une attention toute particulière à développer son laboratoire en marge de ses coups de sang magnifiques. Cela donnees rencontres avec des gens venus d'autres univers (Tomalone ou encore New Fear) qui lui permettent d'innover un peu. D'innover souvent, mais de louper le coche parfois: l'anxiogène "NDMA" (un mélange un brin indigeste de pop, de rap et d'arpèges IDM) ou "Svastika Bambaataa" figurent parmi les petits ratés. Mais en fait, c'est plutôt la surprenante conclusion de l'EP que l'on retiendra: amorcé par le testament défoncé de "Bagdad Wagner" et son piano tout en retenue signé Holos Graphein, puis suivie de "La Vie", superbe prod de Krampf qui sample Patrick Juvet, les deux beatmakers se retrouvent sur une conclusion digne d'un album du Klub des Loosers. Et ça, c'est un clin d’œil d'autant plus judicieux qu'on s'est déjà surpris à trouver certaines familiarités dans l'univers des deux rappeurs.

A la fois odieux et jouissif, NDMA est un EP bien loin du sans-faute. Mais il y a malgré tout quelque chose d'infiniment chouette à parcourir ces dix titres qui parlent de drogue, de folie et de mort: cette prose sait faire réagir, ou émouvoir. Bref, faire qu'il se passe quelque chose de vraiment fort. A l'arrivée, c'est un bien bel ouvrage que l'on tient là, et une excellente entame de carrière solo pour l'enculé le plus cool du rap français.