Ne Pleurez Pas Mademoiselle

Hyacinthe & L.O.A.S

DFHDGB – 2013
par Aurélien, le 10 janvier 2014
9

C'est un raccourci facile, mais il y a beaucoup d'Odd Future dans la belle bande que forment les MC's Hyacinthe et L.O.A.S, flanqués de leur éminence grise Krampf. Question d'âge bien sûr, car à l'instar du collectif de L.A., les trois blancs-becs parisiens ont entre 18 et 25 ans. Mais aussi et surtout question de son et d'image, car ils affichent une identité déjà bien affirmée, qui n'avait d'ailleurs pas manqué de défrayer la chronique à la sortie de l'épatant "3ème Cime". Vu que les bougres avaient déjà toute notre confiance, on n'avait pas trop de craintes sur la qualité de leur premier EP, joliment baptisé Ne Pleurez Pas Mademoiselle. Et force est d'admettre qu'on ne s'y est pas trompé: cette jolie troupe qui admet moins écouter sa mère que Gucci Mane n'a pas hésité à sortir de ses gonds, jusqu'à pulvériser nos attentes.

Première surprise: s'il offre une introduction et une conclusion de haute volée, Krampf est absent ailleurs sur Ne Pleurez Pas Mademoiselle et préfère laisser faire Robotnik, DJ Pie ou Twinztrack, tout en s'arrangeant pour donner l'aération nécessaire aux micros de ses deux comparses. L'autre surprise est plus grande encore: ils vieillissent bien, Hyahya et Loïs. Tellement bien même que chacune de leur entreprise est hautement casse-gueule, qu'ils s'essaient au banger trap à la française ("Euro Euro Euro") ou au rap saupoudré de pop ("Strip Club"). On en a déjà vu plus d'un se planter à ce petit jeu, même avec plus d'expérience, et pourtant la paire s'en sort ici avec les honneurs. Tout du long de cette demi-heure de musique, c'est tour-à-tour clinquant, cadavérique, romantique et parfois même un peu macho. Mais toujours percutant.

Alors certes, on peut penser que cet affolant bouillon flirte avec la vulgarité gratuite, voire le mauvais goût - à ce sujet, pas sûr qu'on soit les seuls à grimacer sur le second couplet de "Pain au Chocolat & Pussy". Mais le groupe se laisse toujours aller à un salvateur sursaut de poésie désespérée qui n'est pas sans rappeler un certain Fuzati période Vive La Vie. C'est ce paradoxe de la jolie punchline entre quatre couches d'images un peu cradingues qui connaît son apogée sur "Rap Game Nuit Sans Fin" (sample ultra-cramé de Calogero à l'appui) où la paire se fend d'un texte en or noir véritable ("je rentre pas chez oim/ma femme a mis les voiles/demain je dormirai dans la rue/putain d'hôtel mille étoiles").

Il ne faut donc pas se fier aux apparences: Ne Pleurez Pas Mademoiselle, c'est loin d'être du rap d'ado macho. En fait, on se rapproche d'un discours de trentenaire qui refuse de grandir. Ce syndrome de Peter Pan, il accouche en tout cas de neuf titres variés et admirablement construits, remplis d'images d'une beauté froide. Et s'il faut bien reconnaître la maladresse de certaines phases, difficile de rester indifférent au charme de la clique DFHDGB, tant elle plane tel un drone au dessus d'un rap de blanc à la française qui, il faut l'admettre, manque cruellement de standards par les temps qui courent. 

Le goût des autres :
4 Tristan