FROM DEEWEE

Soulwax

DEEWEE – 2017
par Jeff, le 28 mars 2017
8

L'avantage avec Soulwax, c'est qu'au fil des années, on a appris à ne plus rien attendre d'eux. En effet, de façon un peu incompréhensible, le groupe gantois a tellement usé son concept de Nite Versions et de Radio Soulwax qu'il a fini par le vider totalement de sa substance. À côté de cela, les frères Dewaele sont passés à la caisse avec les 2 Many DJ's, qu'ils ont emmené aux quatre coins du globe pour des sets qui, au fil des années, ont sombré dans une sorte de consensus mou et de grand portenawak bien mongolo - en gros, un business dont l'excitation qu'il a fini par provoquer était inversement proportionnelle aux cachets exigés. 

Et puis DEEWEE est apparu. Et là, on a compris que l'argent facile amassé ces dernières années, c'est peut-être à ça qu'il avait servi : pondre de vraies B.O. avec que des faux groupes dedans (ndr : pour le Belgica de Felix Van Groenigen), lancer un label ayant pour vocation de pousser des trucs dont les Gantois savaient qu'ils allaient plaire à un public très restreint (vous avez beaucoup entendu parler de Bolis Popul, Emmanuele ou Phillipi & Rodrigo ?), construire un studio totalement badass dans leur ville natale et, grosso merdo, se faire plaisir. Car on a vite compris avec l'immense album de Die Verboten enregistré en 2007 à Ibiza (mais finalement sorti en 2015) que Stephen et David Dewaele n'étaient plus vraiment préoccupés par ce que l'on pensait ou attendait d'eux, et c'est tant mieux.

C'est dans ce contexte assez grisant que sort FROM DEEWEE douze ans après Nite Versions. Un huitième album enregistré en une prise, dans les conditions du live et avec un nouveau line up : outre les deux frères, on croise Stefaan Van Leuven à la basse (seul membre originel restant), Laima Leyton (MIXHELL) aux synthés et une triplette de batteurs composée de Victoria Smith (Jamie T), Iggor Cavalera (Sepultura, MIXHELL) et Blake Davies (Turbowolf). Et fort heureusement, de cette superposition de talents et d'instruments, il ressort un projet qui gère admirablement la multiplication des strates et ne donne pas dans le concours de quéquettes stérile. Et puis surtout, FROM DEEWEE est un album qui replace Soulwax bien haut dans la hiérarchie de la musique belge, là où il pourrait côtoyer dEUS si la bande a Tom Barman ne s'était pas encroûtée dans des proportions qui frôlent le ridicule.

"It's not easy / but it's true / what we need is something new," assène Stephen Dewaele sur le single "Missing Wires". Et c'est tout à fait ça, ou presque. C'est "tout à fait ça" car FROM DEEWEE voit le groupe embrasser des influences synth-pop dans des proportions jamais entendues à ce jour, et professe son amour pour Sparks, Kraftwerk et Depeche Mode pendant une petite cinquantaine de minutes - l'amour de la fratrie Dewaele pour Dave Gahan est flagrante sur l'impeccable "My Tired Eyes". Mais c'est aussi "presque ça", en ce sens que FROM DEEWEE sonne véritablement comme l'idée que l'on pouvait (ou plutôt voulait) se faire de Nite Versions 12 ans plus tard, par des mecs qui ont accepté que le temps passe et qu'ils ne sont plus une bande de musiciens cool, mais juste des types grisonnants respectés par des gens qui ont passé la trentaine et achètent encore des disques.

Mais ce qui ressort surtout des écoutes répétées de FROM DEEWEE, c'est cette classe folle avec laquelle Soulwax a toujours su façonner son art. En même temps, on se dit que c'est assez logique venant de deux garçons aux connaissances encyclopédiques, et qui ont toujours été en mesure de digérer leurs influences pour les retranscrire dans quelque chose qui leur ressemble vraiment. Bref, Soulwax est de retour. Il y aura probablement moins de monde pour s'en soucier que si ce disque était sorti 10 ans plus tôt, mais on se dit que les chances de se prendre les pieds dans le tapis étaient tellement immenses à l'époque qu'on doit aujourd'hui se réjouir qu'ils nous aient laissés poireauter de la sorte.

Le goût des autres :
8 Gwen 7 Yann